Ce que j'ai dit au festival La poésie / nuit
(Début du texte en cours Mes souvenirs, « oralisé » pour l'occasion.)
(Alors je suis un peu désolé de vous faire revenir pour finir la soirée dans "l'ancien monde" et dans des régions un peu... malheureusement plus franchouillardes où je vais encore parlé de moi bien que j'ai déjà fait ça toute la soirée et rien d'autre. Et... en fait, je suis metteur en scène, je fais des spectacles, en quelques années vingt-et-un spectacles qui... qui ont jamais été repris sauf les deux derniers qui sont une pièce de Nathalie Quintane et Charles Torris qui s'appelle Blektre qui sera repris à Bruxelles bientôt et puis avant ça Hamlet aussi, à la... à Paris, à la Ménagerie de verre. Et... donc les autres spectacles sont pas repris et... donc je me suis mis à vouloir écrire mes souvenirs. Alors je vous lis le commencement de ce texte qui pourrait faire un texte, quoi, ou un spectacle de plus, je ne sais pas.)
Tout a commencé par Loïc Touzé. Oui. C’est le début de tout, c’est le début de cette histoire. En ce sens que si Loïc Touzé ne m’avait pas proposé de faire un spectacle, un solo, pour une carte blanche qu’il avait au Lieu Unique, à Nantes, je crois encore que je n’aurais jamais rien fait. Loïc Touzé avec qui je travaillais depuis dix ans m’a proposé ça – comme interprète – (m’a proposé ça) parce que nous avions fait un spectacle ensemble que nous avions tous adoré faire, qui s’appelait Morceau et qui était un quatuor où chacun (qui tenait beaucoup, bon, à sa distribution) (où chacun des membres, chacun d’entre nous, par la magie donc d’une distribution qui s’était « trouvée », avait l’impression de faire son propre travail, d’avancer dans son propre accomplissement, d’intervenir comme pour son propre spectacle, si vous voulez. Alors quand Loïc Touzé a eu l’opportunité de présenter, autour de Morceau, un ensemble de choses (une carte blanche, donc), il a naturellement invité les spectacles déjà existants de Latifa Laâbissi et de Jennifer Lacey, les autres membres de ce quatuor (une Arabe, une Américaine) et il m’a demandé d’en créer un à mon tour, moi qui n’avait jamais encore... qui n’avait jamais rien fait. Ce fut un bonheur ! lit… vraiment, hein. Un bonheur parfait. Le seul travail personnel où j’ai été payé d’ailleurs, hein – mais, ça n’a rien à voir, mais Loïc Touzé, une petite digression, a toujours eu de l’argent à distribuer, comme ça, généreusement, son père était directeur du BHV, il a des députés dans sa f… des préfets… il sait manipuler l’argent… – Et puis tous mes amis, tous mes amis que j’ignorais même comme amis, mais qui eux m’estimaient, plus que je ne (le faisais moi-même)... qui croyaient en moi sans que moi, comme je l’ai dit, je crois en moi plus que ça – je n’avais pas d’ego, je n’en ai pas, d’ailleurs, beaucoup plus maintenant… je suis resté simple. D’ailleurs, une anecdote que j’ai déjà raconté, bon, j’crois, dans mon deuxième ou dans le premier one man show, je n’sais plus, c’est ma psy qui m’avait dit un jour : « Tu comprends, Yves-Noël, dans c’métier, il faut quand même un peu d’ego et, toi, tu n’en as pas du tout. ») – donc tous ces amis, plusieurs amis se sont proposés de m’accompagner bénévolement, qui à la lumière (Yannick Fouassier), qui a la mise en scène et au texte (Pascal Tokatlian), qui au son, bon, je sais plus… je me souviens pas de tout le monde à l’instant, mais ça va me revenir. Heu… Jonathan Capdevielle était là aussi, déjà, et bénévolement, lui aussi, mais, là, c’est moi qui le lui avais demandé et puis au tout dernier moment. Il faisait mine d’arriver en retard dans le spectacle – en fait, voyez, il arrivait aux saluts – et me les volait – en chantant a capella, mais comme exactement calé sur la musique, (avec les vraies pauses musicales) à la perfection (il a une oreille absolue), Vanina de Dave. Quel bonheur, ces saluts et cette réussite ! En quelques heures, j’étais internationalement connu à Nantes, une vedette, quoi ; l’équipe du Lieu Unique, dans la panique, voulait absolument prolonger, mais Jonathan devait repartir et je ne voulais plus jamais rien faire sans lui ! C’est à ces débuts que le directeur du Lieu Unique, Jean Blaise, que j’avais vu rire à visage merveilleusement ouvert toute la représentation (jamais je n’oublierai ce visage) a dit, propos qui m’ont ensuite été rapportés : « Il est génial, mais il va se faire récupérer très vite par le show-biz. », une phrase qui m’a bercé d’illusions pendant des mois… puis des années, puis des siècles, enfin le soir avant que je m’endorme... (Geste : dodo.) Le spectacle s’intitulait : EN ATTENDANT GENOD, titre merveilleux, vous ne trouvez pas ? Ma psy le trouvait très bien, ce titre, très juste, par rapport à moi, j’imagine. En attendant Genod… C’est aussi un peu grâce à elle que j’avais commencé à penser à faire quelque chose puisque étonnée sans doute de la drôlerie ou de l’incongruité de ce que je lui racontais obsessionnellement sans doute sur les homosexuels, elle m’avait suggéré d’en bâtir, pourquoi pas, un one man show. Je lui avais même une fois apporté, je me souviens, et lu (donc), mes premiers essais d’écriture sur ce thème (elle m’avait dit avec un air un peu chagrin : « Faut pas dire les noms. ») ; on en retrouvera quelques traces, de ces textes sur les homosexuels dans le spectacle finalement présenté (ça m’avait fait peur de me spécialiser à ce point, donc j’ai ouvert, quand même sure…). Avec ce spectacle, j’ai perdu un ami, Pascal Tokatlian, finalement déçu par; heu, sans doute mon interprétation, je ne sais pas, ou par l’homme qu’il a soudain découvert à cette occasion…, perdu aussi une amoureuse, une amie, mon amie Stéphanie Farison, comédienne, agacée sans doute par mon occupation soudain à plein temps pendant des semaines (on s’voyait plus), mais j’ai été littéralement adopté, je dirais, par la ville de Nantes, ou plutôt jus… par le triangle que formait l’Hôtel de la Duchesse Anne, Le Lieu Unique et la rue Fourré, bien nommée car elle donnait accès au club échangiste, L’Orchidée Noire qui était un peu mon quartier général, ainsi qu’à la salle de sport juste à côté. Ça a été l’un des mois de juin le plus beau qu’il m’ait été donné de vivre de ma vie entière – et, dans cette ambiance, j’ai d’ailleurs immédiatement fait la rencontre d’une fille délicieuse avec des seins merveilleux, un sexe (beau comme (des nageoires de) un poisson) pour partager l’un des plus beaux étés de ma vie, celui qui a suivi, ensoleillé, naïf, arty, nantais, sur les bords de la mer ou de la ville vidée, ombragée, sur les plages, sur les places, avec Anne de Sterk, plasticienne, douce et coquine jeune femme et, sur le moment, enfin ce qu’on peut dire, c’est que c’était une fan ! Elle a bien essayé de me changer par la suite, mais je lui disais : « Mais enfin, reconnais, Anne, que quand tu m’as rencontré, quand tu est tombée amoureuse, j’étais comme une tapette, ultra maquillé, j’étais comme David Bowie, Igggy Pop, j’portais toutes les tenues les plus extravagantes que j’avais pu trouver, maintenant tu voudrais que j’m’habille en Agnès B… » (En ch’mise grise… )
L’année suivante, c’est Patricia Buck qui me propose de revenir à Nantes, au Lieu Unique toujours, pour son festival Le Livre et l’art, avec très peu de moyens. J’ai d’abord l’idée de transformer Jonathan Capdevielle, donc, dont j’vous ai déjà parlé, qui avait brillé dans En attendant Genod , de le transformer littéralement en juke-box vivant, il en a la capacité (le disque dur), mais il lui faudrait quand même apprendre peut-être une centaine de chansons, voyez, et l’entreprise nous paraît démesurée pour le peu d’argent – ou bien la confiance n’est-elle pas encore assez forte entre Jonathan et moi… Enfin, toujours est-il que… Et puis, d’autre part, je viens de travailler avec Julien Gallée-Ferré pour une performance avec l’œuvre de Micha Derrider, La garde robe à danser, au FRAC de Nantes, où nous nous sommes mis tous les deux – Julien est un danseur merveilleux – où nous nous sommes mis, donc, à improviser au micro des paroles de chansons sur des CD, n’importe quoi qui se trouvait là, Enya, du jazz, on n’a jamais r’trouvé ce qui, ce qui s’était vraiment trouvé là… D’autre part encore, voyez, ce sont des circonstances… c’est important de repérer ça dès l’début : ça tient au hasard… C’est comme ça que tout va se mettre en place, que toute l’œuvre prolifique par la suite va s’mettre en place à chaque fois… Alors, d’autre part, je suis au ski, donc je suis au ski, à Megève, avec Thomas Scimeca, à Megève, après la tournée donc du spectacle de Julie Brochen, Le cadavre vivant, qui est un Tolstoï et que nous venons de faire ensemble, Thomas et moi, mais sans vraiment nous rencontrer sur le plateau : puisque moi, j’avais, je suis dans un très grand rôle, je, je… un très grand rôle avec Valérie Dréville comme partenaire, lui, en r’vanche, dans un ensemble de tout petits rôles, de très petits rôles. Et, tout d’un coup, sur le télésiège, voyez, comme ça, il se met à fredonner des bouts de choses et c’est très joli, c’est très… il est très musicien, il est très doué, très belle voix aussi, très sensible, très sensuelle (il est très beau) : je lui propose instantanément de me rejoindre, de nous rejoindre… et j’ai mon boys band ! le voici, quatre garçons dans l’vent, Patricia Buck est d’accord. Enthousiaste, elle donne même un tout petit peu plus d’argent pour nous payer tous les quatre. Bon, il faut trouver très vite un titre, je me souviens, je suis dans le TGV vers Nantes, je pense : GROUPE SAINT AUGUSTIN, j’appelle de la plateforme Claude Régy : « Qui était Saint Augustin ? » Il me dit : « Un type bien, je crois. Gérard Depardieu veut en faire des lectures. » C’est tout c’qu’il sait. Parfait. (Il a jamais lu.) C’est lancé. Alors, nous y voilà, le principe est simple, donc, on passe des disques, c’est tout con, et on improvise des paroles (en français), on peut même chanter sur des disques en anglais du coup, on chante en français, on enregistre en même temps ces improvisations, plus tard on apprend ou non les chansons et on se les repasse pour les chanter en play-back. On peu aussi rechanter en direct sur les enregistrements. Enfin, c’est du système D. On fait des clips. Plus tard Philippe Katerine qu’à l’époque nous ne connaissions pas – juré-craché – en tout cas pas moi, écoutera une compilation de nos chansons offerte par Julien et il dira : « J’ai écouté le CD deux fois de suite, j’ai été entre l’effroi et l’émerveillement. » C’est en effet, c’que nous faisions était en effet effroyablement merveilleux et merveilleusement effroyable, je dois maintenant le reconnaître, et tout à fait dans l’esprit de Philippe Katherine (ce qui est sans doute la raison qui fait qu’on a un peu arrêté maintenant – parce que quand on devient conscient des choses, vous savez ce qui s’passe, on devient plus inhibé…). Alors on joue deux fois, dans un sous-sol au Lieu Unique (qui d’ailleurs a depuis été transformé en hammam, m’a-t-on dit, le sous- sol, pas le Lieu Unique en entier) deux fois devant deux fois cent cinquante personnes. C’est un succès. Comme c’est tout petit, le public envahi complètement la scène, y a pas de scène, d’ailleurs, y a des tapis avec tout le monde dessus et puis on filme tout ça, on enregistre ; mais mon public, voyez – et ça , c’est le début d’une chose qui se r’produira toujours, mon public est désarçonné, mon public car j’en ai un depuis l’année précédente, le public du one man show, il ne m’a pas oublié, eh bien ce public est désarçonné : c’est une des limitations de ce métier : le public ne reconnaît que ce qu’il a adoré et combien, mon Dieu, combien d’artistes se voient contraints de faire toujours la même chose, c’est triste. Donc mon public est désarçonné, il ne comprend pas pourquoi, moi, je suis ailleurs, puisque ce que je faisais était un succès – et moi, voyez-vous, j’en suis fier. Barbet Schroeder a dit dans une interview récente qu’il avait toujours chercher à surprendre toute sa carrière – eh bien, voilà, y a des gens comme ça, alors, pour moi aussi, c’est le début d’un jeu du chat et la souris avec le public que je chercherai toujours à surprendre, à amener ailleurs où je ne suis pas, où il croyait m’avoir repéré où je suis peut-être, c’est comme ça que, moi, je vois les choses : surprendre, chercher toujours à surprendre. Au risque de déplaire. Ne pas répéter ce qui a été déjà exploré, en général très bien, je le dis sans fausse modestie, mais dérouter, sortir des sentiers battus, aller de l’avant, aller de découverte en découverte.
«Libération»
Lyon, la nuit
M.L.
QUOTIDIEN : samedi 8 mars 2008
La poésie/nuit jusqu’au 15 mars, www.lapoesienuit.com
Poésie
«On signale un accident de parcours dans vos synapses. Redémarrez.» «Attention, vous perdez de vue l’objectif de votre sortie. A quoi pensez-vous ?» De sibyllins messages viennent parasiter l’affichage électronique des panneaux lumineux de la ville de Lyon, entre horaires de la piscine et communications de la municipalité, brouillant la perception de l’espace public. Ceux-ci sont signés par le cinépoète Pierre Alferi, ils alternent avec ceux de Steve Savage jusqu’au 15 mars, à l’occasion de La poésie/nuit, événement consacré à la poésie contemporaine sous toutes les formes. «La poésie ne se réduit plus au poème littéraire, elle se décline sur des supports multiples, graphisme, création visuelle ou sonore, performances, lectures, installations. Notre ambition est de rendre visible le renouveau actuel de l’écrit contemporain, explique Eric Vautrin, coordinateur, et d’en multiplier les accès.» L’amateur d’écriture inventive pourra naviguer entre institutions et lieux alternatifs, expositions comme Wysiwyg, consacrée aux éditeurs indépendants qui explorent la typographie, le graphisme avec un zoom sur le flipbook, projections, salon d’écoute, installations… La manifestation mêle poètes confirmés et jeunes auteurs français, italiens, québécois, suédois, suisses, de Nathalie Quintane, Yves-Noël Genod, Pierre Alferi, les Straubs à Gwenaëlle Stubbe ou Alain Farah à découvrir samedi à 20 heures, au théâtre Les Ateliers, à l’occasion de la traditionnelle «nuit» de performances.
(Alors je suis un peu désolé de vous faire revenir pour finir la soirée dans "l'ancien monde" et dans des régions un peu... malheureusement plus franchouillardes où je vais encore parlé de moi bien que j'ai déjà fait ça toute la soirée et rien d'autre. Et... en fait, je suis metteur en scène, je fais des spectacles, en quelques années vingt-et-un spectacles qui... qui ont jamais été repris sauf les deux derniers qui sont une pièce de Nathalie Quintane et Charles Torris qui s'appelle Blektre qui sera repris à Bruxelles bientôt et puis avant ça Hamlet aussi, à la... à Paris, à la Ménagerie de verre. Et... donc les autres spectacles sont pas repris et... donc je me suis mis à vouloir écrire mes souvenirs. Alors je vous lis le commencement de ce texte qui pourrait faire un texte, quoi, ou un spectacle de plus, je ne sais pas.)
Tout a commencé par Loïc Touzé. Oui. C’est le début de tout, c’est le début de cette histoire. En ce sens que si Loïc Touzé ne m’avait pas proposé de faire un spectacle, un solo, pour une carte blanche qu’il avait au Lieu Unique, à Nantes, je crois encore que je n’aurais jamais rien fait. Loïc Touzé avec qui je travaillais depuis dix ans m’a proposé ça – comme interprète – (m’a proposé ça) parce que nous avions fait un spectacle ensemble que nous avions tous adoré faire, qui s’appelait Morceau et qui était un quatuor où chacun (qui tenait beaucoup, bon, à sa distribution) (où chacun des membres, chacun d’entre nous, par la magie donc d’une distribution qui s’était « trouvée », avait l’impression de faire son propre travail, d’avancer dans son propre accomplissement, d’intervenir comme pour son propre spectacle, si vous voulez. Alors quand Loïc Touzé a eu l’opportunité de présenter, autour de Morceau, un ensemble de choses (une carte blanche, donc), il a naturellement invité les spectacles déjà existants de Latifa Laâbissi et de Jennifer Lacey, les autres membres de ce quatuor (une Arabe, une Américaine) et il m’a demandé d’en créer un à mon tour, moi qui n’avait jamais encore... qui n’avait jamais rien fait. Ce fut un bonheur ! lit… vraiment, hein. Un bonheur parfait. Le seul travail personnel où j’ai été payé d’ailleurs, hein – mais, ça n’a rien à voir, mais Loïc Touzé, une petite digression, a toujours eu de l’argent à distribuer, comme ça, généreusement, son père était directeur du BHV, il a des députés dans sa f… des préfets… il sait manipuler l’argent… – Et puis tous mes amis, tous mes amis que j’ignorais même comme amis, mais qui eux m’estimaient, plus que je ne (le faisais moi-même)... qui croyaient en moi sans que moi, comme je l’ai dit, je crois en moi plus que ça – je n’avais pas d’ego, je n’en ai pas, d’ailleurs, beaucoup plus maintenant… je suis resté simple. D’ailleurs, une anecdote que j’ai déjà raconté, bon, j’crois, dans mon deuxième ou dans le premier one man show, je n’sais plus, c’est ma psy qui m’avait dit un jour : « Tu comprends, Yves-Noël, dans c’métier, il faut quand même un peu d’ego et, toi, tu n’en as pas du tout. ») – donc tous ces amis, plusieurs amis se sont proposés de m’accompagner bénévolement, qui à la lumière (Yannick Fouassier), qui a la mise en scène et au texte (Pascal Tokatlian), qui au son, bon, je sais plus… je me souviens pas de tout le monde à l’instant, mais ça va me revenir. Heu… Jonathan Capdevielle était là aussi, déjà, et bénévolement, lui aussi, mais, là, c’est moi qui le lui avais demandé et puis au tout dernier moment. Il faisait mine d’arriver en retard dans le spectacle – en fait, voyez, il arrivait aux saluts – et me les volait – en chantant a capella, mais comme exactement calé sur la musique, (avec les vraies pauses musicales) à la perfection (il a une oreille absolue), Vanina de Dave. Quel bonheur, ces saluts et cette réussite ! En quelques heures, j’étais internationalement connu à Nantes, une vedette, quoi ; l’équipe du Lieu Unique, dans la panique, voulait absolument prolonger, mais Jonathan devait repartir et je ne voulais plus jamais rien faire sans lui ! C’est à ces débuts que le directeur du Lieu Unique, Jean Blaise, que j’avais vu rire à visage merveilleusement ouvert toute la représentation (jamais je n’oublierai ce visage) a dit, propos qui m’ont ensuite été rapportés : « Il est génial, mais il va se faire récupérer très vite par le show-biz. », une phrase qui m’a bercé d’illusions pendant des mois… puis des années, puis des siècles, enfin le soir avant que je m’endorme... (Geste : dodo.) Le spectacle s’intitulait : EN ATTENDANT GENOD, titre merveilleux, vous ne trouvez pas ? Ma psy le trouvait très bien, ce titre, très juste, par rapport à moi, j’imagine. En attendant Genod… C’est aussi un peu grâce à elle que j’avais commencé à penser à faire quelque chose puisque étonnée sans doute de la drôlerie ou de l’incongruité de ce que je lui racontais obsessionnellement sans doute sur les homosexuels, elle m’avait suggéré d’en bâtir, pourquoi pas, un one man show. Je lui avais même une fois apporté, je me souviens, et lu (donc), mes premiers essais d’écriture sur ce thème (elle m’avait dit avec un air un peu chagrin : « Faut pas dire les noms. ») ; on en retrouvera quelques traces, de ces textes sur les homosexuels dans le spectacle finalement présenté (ça m’avait fait peur de me spécialiser à ce point, donc j’ai ouvert, quand même sure…). Avec ce spectacle, j’ai perdu un ami, Pascal Tokatlian, finalement déçu par; heu, sans doute mon interprétation, je ne sais pas, ou par l’homme qu’il a soudain découvert à cette occasion…, perdu aussi une amoureuse, une amie, mon amie Stéphanie Farison, comédienne, agacée sans doute par mon occupation soudain à plein temps pendant des semaines (on s’voyait plus), mais j’ai été littéralement adopté, je dirais, par la ville de Nantes, ou plutôt jus… par le triangle que formait l’Hôtel de la Duchesse Anne, Le Lieu Unique et la rue Fourré, bien nommée car elle donnait accès au club échangiste, L’Orchidée Noire qui était un peu mon quartier général, ainsi qu’à la salle de sport juste à côté. Ça a été l’un des mois de juin le plus beau qu’il m’ait été donné de vivre de ma vie entière – et, dans cette ambiance, j’ai d’ailleurs immédiatement fait la rencontre d’une fille délicieuse avec des seins merveilleux, un sexe (beau comme (des nageoires de) un poisson) pour partager l’un des plus beaux étés de ma vie, celui qui a suivi, ensoleillé, naïf, arty, nantais, sur les bords de la mer ou de la ville vidée, ombragée, sur les plages, sur les places, avec Anne de Sterk, plasticienne, douce et coquine jeune femme et, sur le moment, enfin ce qu’on peut dire, c’est que c’était une fan ! Elle a bien essayé de me changer par la suite, mais je lui disais : « Mais enfin, reconnais, Anne, que quand tu m’as rencontré, quand tu est tombée amoureuse, j’étais comme une tapette, ultra maquillé, j’étais comme David Bowie, Igggy Pop, j’portais toutes les tenues les plus extravagantes que j’avais pu trouver, maintenant tu voudrais que j’m’habille en Agnès B… » (En ch’mise grise… )
L’année suivante, c’est Patricia Buck qui me propose de revenir à Nantes, au Lieu Unique toujours, pour son festival Le Livre et l’art, avec très peu de moyens. J’ai d’abord l’idée de transformer Jonathan Capdevielle, donc, dont j’vous ai déjà parlé, qui avait brillé dans En attendant Genod , de le transformer littéralement en juke-box vivant, il en a la capacité (le disque dur), mais il lui faudrait quand même apprendre peut-être une centaine de chansons, voyez, et l’entreprise nous paraît démesurée pour le peu d’argent – ou bien la confiance n’est-elle pas encore assez forte entre Jonathan et moi… Enfin, toujours est-il que… Et puis, d’autre part, je viens de travailler avec Julien Gallée-Ferré pour une performance avec l’œuvre de Micha Derrider, La garde robe à danser, au FRAC de Nantes, où nous nous sommes mis tous les deux – Julien est un danseur merveilleux – où nous nous sommes mis, donc, à improviser au micro des paroles de chansons sur des CD, n’importe quoi qui se trouvait là, Enya, du jazz, on n’a jamais r’trouvé ce qui, ce qui s’était vraiment trouvé là… D’autre part encore, voyez, ce sont des circonstances… c’est important de repérer ça dès l’début : ça tient au hasard… C’est comme ça que tout va se mettre en place, que toute l’œuvre prolifique par la suite va s’mettre en place à chaque fois… Alors, d’autre part, je suis au ski, donc je suis au ski, à Megève, avec Thomas Scimeca, à Megève, après la tournée donc du spectacle de Julie Brochen, Le cadavre vivant, qui est un Tolstoï et que nous venons de faire ensemble, Thomas et moi, mais sans vraiment nous rencontrer sur le plateau : puisque moi, j’avais, je suis dans un très grand rôle, je, je… un très grand rôle avec Valérie Dréville comme partenaire, lui, en r’vanche, dans un ensemble de tout petits rôles, de très petits rôles. Et, tout d’un coup, sur le télésiège, voyez, comme ça, il se met à fredonner des bouts de choses et c’est très joli, c’est très… il est très musicien, il est très doué, très belle voix aussi, très sensible, très sensuelle (il est très beau) : je lui propose instantanément de me rejoindre, de nous rejoindre… et j’ai mon boys band ! le voici, quatre garçons dans l’vent, Patricia Buck est d’accord. Enthousiaste, elle donne même un tout petit peu plus d’argent pour nous payer tous les quatre. Bon, il faut trouver très vite un titre, je me souviens, je suis dans le TGV vers Nantes, je pense : GROUPE SAINT AUGUSTIN, j’appelle de la plateforme Claude Régy : « Qui était Saint Augustin ? » Il me dit : « Un type bien, je crois. Gérard Depardieu veut en faire des lectures. » C’est tout c’qu’il sait. Parfait. (Il a jamais lu.) C’est lancé. Alors, nous y voilà, le principe est simple, donc, on passe des disques, c’est tout con, et on improvise des paroles (en français), on peut même chanter sur des disques en anglais du coup, on chante en français, on enregistre en même temps ces improvisations, plus tard on apprend ou non les chansons et on se les repasse pour les chanter en play-back. On peu aussi rechanter en direct sur les enregistrements. Enfin, c’est du système D. On fait des clips. Plus tard Philippe Katerine qu’à l’époque nous ne connaissions pas – juré-craché – en tout cas pas moi, écoutera une compilation de nos chansons offerte par Julien et il dira : « J’ai écouté le CD deux fois de suite, j’ai été entre l’effroi et l’émerveillement. » C’est en effet, c’que nous faisions était en effet effroyablement merveilleux et merveilleusement effroyable, je dois maintenant le reconnaître, et tout à fait dans l’esprit de Philippe Katherine (ce qui est sans doute la raison qui fait qu’on a un peu arrêté maintenant – parce que quand on devient conscient des choses, vous savez ce qui s’passe, on devient plus inhibé…). Alors on joue deux fois, dans un sous-sol au Lieu Unique (qui d’ailleurs a depuis été transformé en hammam, m’a-t-on dit, le sous- sol, pas le Lieu Unique en entier) deux fois devant deux fois cent cinquante personnes. C’est un succès. Comme c’est tout petit, le public envahi complètement la scène, y a pas de scène, d’ailleurs, y a des tapis avec tout le monde dessus et puis on filme tout ça, on enregistre ; mais mon public, voyez – et ça , c’est le début d’une chose qui se r’produira toujours, mon public est désarçonné, mon public car j’en ai un depuis l’année précédente, le public du one man show, il ne m’a pas oublié, eh bien ce public est désarçonné : c’est une des limitations de ce métier : le public ne reconnaît que ce qu’il a adoré et combien, mon Dieu, combien d’artistes se voient contraints de faire toujours la même chose, c’est triste. Donc mon public est désarçonné, il ne comprend pas pourquoi, moi, je suis ailleurs, puisque ce que je faisais était un succès – et moi, voyez-vous, j’en suis fier. Barbet Schroeder a dit dans une interview récente qu’il avait toujours chercher à surprendre toute sa carrière – eh bien, voilà, y a des gens comme ça, alors, pour moi aussi, c’est le début d’un jeu du chat et la souris avec le public que je chercherai toujours à surprendre, à amener ailleurs où je ne suis pas, où il croyait m’avoir repéré où je suis peut-être, c’est comme ça que, moi, je vois les choses : surprendre, chercher toujours à surprendre. Au risque de déplaire. Ne pas répéter ce qui a été déjà exploré, en général très bien, je le dis sans fausse modestie, mais dérouter, sortir des sentiers battus, aller de l’avant, aller de découverte en découverte.
«Libération»
Lyon, la nuit
M.L.
QUOTIDIEN : samedi 8 mars 2008
La poésie/nuit jusqu’au 15 mars, www.lapoesienuit.com
Poésie
«On signale un accident de parcours dans vos synapses. Redémarrez.» «Attention, vous perdez de vue l’objectif de votre sortie. A quoi pensez-vous ?» De sibyllins messages viennent parasiter l’affichage électronique des panneaux lumineux de la ville de Lyon, entre horaires de la piscine et communications de la municipalité, brouillant la perception de l’espace public. Ceux-ci sont signés par le cinépoète Pierre Alferi, ils alternent avec ceux de Steve Savage jusqu’au 15 mars, à l’occasion de La poésie/nuit, événement consacré à la poésie contemporaine sous toutes les formes. «La poésie ne se réduit plus au poème littéraire, elle se décline sur des supports multiples, graphisme, création visuelle ou sonore, performances, lectures, installations. Notre ambition est de rendre visible le renouveau actuel de l’écrit contemporain, explique Eric Vautrin, coordinateur, et d’en multiplier les accès.» L’amateur d’écriture inventive pourra naviguer entre institutions et lieux alternatifs, expositions comme Wysiwyg, consacrée aux éditeurs indépendants qui explorent la typographie, le graphisme avec un zoom sur le flipbook, projections, salon d’écoute, installations… La manifestation mêle poètes confirmés et jeunes auteurs français, italiens, québécois, suédois, suisses, de Nathalie Quintane, Yves-Noël Genod, Pierre Alferi, les Straubs à Gwenaëlle Stubbe ou Alain Farah à découvrir samedi à 20 heures, au théâtre Les Ateliers, à l’occasion de la traditionnelle «nuit» de performances.
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