Sunday, March 08, 2009

La parole se tait, c’est seulement là que c’est beau

Je suis allé au théâtre depuis deux mois, je suis allé au théâtre tous les soirs… et j’ai vu, j’ai vu le théâtre. À quoi ça sert de voir le théâtre ? Ça ne sert à rien.
Mais il y a des pièces qu’on ne regarde pas, mais qu’on écoute. À quoi ça sert d’écouter les pièces ? Là non plus, ça ne sert à rien.
Mais c’est beau d’être à l’Odéon pour ne pas ni voir ni écouter la pièce qui est en cours. Les acteurs hurlent de toute façon ce qu’ils ont appris par cœur et comme disait Vitez : ils disent les plus beaux textes du monde et ils n’y comprennent rien. Les acteurs ont des voix grotesques, des voix très laides, c’est un concours de fantaisie.
Ce qui est étonnant, c’est que entendre ou ne pas entendre la parole, ça ne change rien. (Faire de l’art ou ne pas en faire, ça ne change rien.) D’ailleurs Paul Claudel ne le disait-il pas ? Pour jouer sa pièce, Le Soulier de satin, ne fallait-il pas la jouer « vite et mal » ? (Les écrivains rêvent toujours qu’on ne fasse pas le travail qu’ils ont fait…)

À force d’écouter les acteurs, forcément, sur la longueur, ça devient le monde. On est bien avec la cheminée de la scène. À l’Odéon, le feu brûle, on brûle les planches. Il suffit d’un peu de rouge avec des projecteurs pour qu’on se sente bien – mieux… C’est Paris, c’est le soir, on a écouté du Claudel.

L’acteur dit : « Mes larmes pourraient nourrir la mer. » Il dit encore : « Cette absence essentielle. » Et ces acteurs qui ne comprennent rien sont touchants parce qu’ils sont humains. Rouge sur rouge, les bras de la fille de Prouhèze s’élèvent pour crier : « Rooodriiigue ! » Et il dit encore : « Je suis venu pour élargir la terre. »

Le ciel, à l’Odéon, c’est André Masson qui l’a maçonné. Il y a des p’tits anges gris sombre (que je n’avais jamais vus) qui soutiennent le plafond infini.






(La scène des adieux entre Prouhèze et Rodrigue et la quatrième journée « Sous le vent des îles Baléares ».)

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