Wednesday, November 11, 2009

Congenital bachelor

Aujourd'hui, j'ai pas arrêté. Je suis allé dans la rain forest où je me suis perdu. J'ai tourné plusieurs heures dans la forêt de Tintin. Je pensais à Gerry aussi. Un peu car c'est bien moins grand que la Vallée de la Mort, c'est juste un parc de ville, un morceau de sauvage. Enfin, je me suis donné chaud, je me suis donné peur. Je marchais pieds nus, j'en avais marre des tongs, torse nu, bien sûr, je me serai bien mis à poil, tant qu'à faire. Ça montait et ça descendait sans fin autour du sommet de l'île. Finalement, bien sûr, j'ai retrouvé la piste asphaltée, la steep slope que quelques vieillards en short blanc descendaient à l'envers. C'est là que j'ai vu la fourmi. Auparavant, aucun animal (quelques lézards). La forêt seule est vivante. Avec le son incroyable des cigales, abstrait, contemporain, musique suprême puisqu'elle n'atténue rien du silence (mais le renforce). Je me suis rafraîchi à la sortie dans les lavatories des joggers. Ensuite, après avoir maté un bon moment la colonie de macaques qui s'épouillaient et s'embrassaient sur le parking du soir, leurs petits bébés en forme de lilliputiens, de vieillards miniatures un peu effrayés et pensé encore à la réincarnation (comme, quelques minutes avant, j'avais observé la fourmi géante), j'ai pris un taxi qui m'a déposé au zoo. De nouveau, donc, le zoo, comme il y a huit jours (les animaux m'ont reconnu, visiblement). L'heure de la fermeture était dix-huit heures et il était déjà tard, mais, comme souvent dans les zoos, personne ne dérangeait ceux qui ralentissaient leur départ car les animaux se détendaient et l'heure aussi était plus agréable. C'était le soir. J'ai traîné longtemps encore, hébété, noyé dans la végétation brûlée de pluie (c'est une image). Je pensais : Sauver les espèces, oui, mais pas toutes... Y en a tellement, de trucs à poils, à plumes, à élytres... Oh, là, là... Rien que d'en faire le tour ! Je pensais à Noé. Quel boulot !... J'avais échangé des regards avec les espèces la tête en bas, les bats, le paresseux qui se laissait lécher passionnément, amoureusement par plus petit que lui parce qu'il en avait mis partout du jus de mangue, sur son pelage, assez pour une chauve-souris en tout cas - et avec d'autres la tête bien sur les épaules comme nous-même. Souvent il était question d'amitié, de prendre un verre, d'une légère collation. La pluie, ce soir, n'était qu'une subtile évocation du déluge, très friendly, animal friendly, juste pour lisser les plantes vernissées, vaporiser de brume le lac et les cascades, quelques sons de tonnerre au lointain, embellir et mélanger le soir. Ni les chimpanzees ni les lions ne s'en protégeaient vraiment, je ne me protégeais pas non plus (même pas la force de sortir mon imper). Je laissais ma chemise blanche s'imbiber comme de la craie. A la sortie de ce tunnel d'amour et d'eau fraîche, il m'a été gentiment proposé de plonger mes pieds dans un bassin de poissons-docteurs qui se nourrissent de peaux mortes tandis que l'humain adulte proposeur devait me masser les épaules. C'était énergique aux niveaux des épaules et plein de mimis au niveau des pieds. Très sympa ! J'ai enchaîné avec le Night Safary. Le Night Safary, c'est un deuxième zoo, à côté du premier, mais pour les animaux éveillés la nuit. Ça, c'est très, très beau ! Extrêmement peu éclairé (comme de vagues moonlights d'un romantisme de film de genre), noyé comme toujours et partout dans la végétation équatoriale. Du coup, bien sûr, on en voit encore moins que dans le zoo diurne, des bestioles ! Mais, on réclame pas parce que, quand on voit, c'est inoubliable. L'impression d'y être. Ou d'en être. C'est à dire, ce qu'il y a, ce n'est pas seulement que les animaux sont réveillés la nuit, ok, c'est déjà sensass, c'est aussi qu'ils sont beaucoup plus calmes. Ils vous regardent - ou ils ne vous regardent pas - avec le calme et la grâce de leur supériorité. Leur rapport à la nuit. Je pensais beaucoup à l'amour des hommes pour les races supérieures : les guépards, les bats, les rats, l'éléphant, les araignées, tous les animaux, la manière dont ils ont développé leur virtuosité (par définition) et l'imitation des hommes, le désir, la fascination pour la force et les dons merveilleux, le désir (comme Marcus), et aussi la fascination et l'imitation d'autres animaux pour les hommes (les dauphins, les pythons, les tigers). C'est très, très impressionnant, ce rapport à la nuit comme en plein jour. J'ai vu, dans un enclos grand comme un terrain de foot, un rhinocéros d'Asie. C'était beau comme un spectacle de Klaus Michael Grüber. Je n'imaginais pas que ça pouvait être aussi grand, une bête ! Il mangeait son fourrage. Les giraffes (avec deux f comme Jacques Prévert l'écrivait), les zèbres, toutes les bêtes des savanes. Plus loin, silencieuses et magiques, les hyènes, etc. Les oiseaux, les chauve-souris, les renards à oreilles de chauve-souris, etc. Les papillons. Tous les trucs dont je renonce à lire le nom, qui ressemblent à des loutres, très sympas. Les porc-épics. J'ai appris que les lions pouvaient s'accoupler avec les tigers, mais que leur descendance était stérile. (Ça fait pas une race nouvelle, quoi.) Les tapirs, etc. Tous les trucs à quatre pattes et il y en a ! Les cochons de toutes les formes et adaptations (mais en restant cochons). Aucun serpent. De toute façon, ne rien voir, c'est très impressionnant. C'est à ce moment-là aussi que je me suis aperçu qu'il y avait des appareils photo extraordinaires. Le mien ne prenait rien, mais j'en voyais qui pénétraient les vitres noires pour s'approcher des pelages luisants, des muscles liquides, de l'ultime perfection, rajouter des couleurs absentes, l'air de rien, absentes de tout bouquet, et, sans un coup de rein, d'un clic, produire une image d'une densité digne des billboards d'Orchard Road. Au moins. Je suis revenu en taxi à Little India. Les rues étaient animées. Titubant, j'ai quand même cherché à dîner avant de rentrer m'effondrer à mon hôtel. J'ai avalé, dans le premier restaurant de la liste du guide, un Andhra Hyderabadi biryani, mais très vite, très mal, avec les doigts, certes, mais avec les deux main ( je crois que c'est exactement ce qu'il ne faut pas faire). Cela, parce que j'étais furieux contre moi-même à cause sans doute de la fatigue, des courbatures, de l'âge que j'ai alors que je ne connais rien au monde, et, justement, de mon désintérêt du monde et des autres, de mon ennui, quoi, et de cette thérapie, mon Dieu, qui dure depuis des siècles ! (C'était sans doute ça, le sens du titre de mon dernier spectacle : La dernière et l'avant-dernière page d'un poème lent - qu'on en finisse !) Alors, dans Little India, dans les rues toute animées du soir, tandis que les travailleurs immigrés indiens s'avachissaient sur des chaises en plastique, sur des places, devant des émissions de variétés débiles et surannées - et, moi, ballonné presque à tomber, je me suis forcé, moi, à les regarder tous le plus possible et si nombreux qu'ils étaient, je me suis forcé à les regarder, oui, au moins comme des animaux.
J'étais noyé, lové dans ma fatigue - la fatigue comme une porte de sortie.

Maintenant, il est sept heures (minuit, en France) et j'écris ça sur mon blog.

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