Tuesday, November 10, 2009

Le désert

Le Raffles, le luxe et la peau douce, un garçon en robe,
un autre plus âgé, style espagnol, avec moustache,
celui qui est un peu rond a une toque de cuistot,
il y a, sur les tables, des casiers de cacahuètes, certains renversés,
il y a au plafond - ça, c'est indescriptiblement beau - des rangées d'éventails chinois en forme de feuille qui se balancent dans une vitesse de secret (celui qui a inventé ce système est un inventeur de mystère),
il y a un garçon à lunettes comme sorti de Harvard,
il y en a un à long cou, un peu boudeur, on dirait Julien

- et donc je commande le Singapore Sling, un cocktail rouge avec une cerise confite sur le rebord
- et j'attaque les cacahuètes

Qu'est-ce qu'ils se racontent, ces gros singes, aux tables réservées du Raffles Bar ?
Je me souviens qu'Hélèna n'aimait pas que je dise "les gens", "les gens, on en fait partie", disait-elle. C'est vrai, mais, quand même, je me demande ce que peuvent bien se raconter ces singes aux culs emboîtés dans les lourds fauteuils en rotin du Raffles. Quel genre d'affaire et de sueur ? Il faudrait lire Rudyard Kipling, Joseph Conrad ou Somerset Maugham ou Noël Coward...

En fait, ce n'est pas que les casiers de cacahuètes sont renversés, c'est que "les gens" jettent les coques vides par terre, ça craque sous les pas

Bon, allez, j'arrête les cacahuètes et je vous lis une phrase prise au hasard dans Cioran, Syllogismes de l'amertume (j'ai pitié de vous) :

"Que de tracas pour s'installer dans le désert. Plus malin que les premiers ermites, nous avons appris à le chercher en nous-mêmes."

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