Conte de Noël
... Et puis je rentrais raccompagnant Krzysztof à son hôtel... J'espérais encore un incident de drogue ou de sexe pour pimenter la soirée... Mais Krzysztof était sage, ce soir-là... Il avait passé une fois plusieurs heures menotté à Zurich, mauvais trip, et il était inquiet, fatigué peut-être par sa première (à venir), à Paris, du Tramway nommé Désir... Toute la ville était sous linceul blanc, comme on dit. Ça tombait et ça tombait. C'était indéniablement joli. C'était encore l'occasion de redire le mot de Dominique Isserman, le mot qui marche quand on a tout essayer (avec quelqu'un qu'il faut photographié) : "Il neige." Main dans la main, tous les poètes, Emily Dickinson, John Keats, Jane Campion, Paul Verlaine, Serge Gainsbourg, etc. etc. Tous les poètes qui n'utilisaient pas l'expression "faire l'amour". Près de l'hôtel de Warlikowski, un jeune homme se précipitait vers nous s'affalant à nos pieds dans la mousse blanche. Il demandait de l'argent, "Ayez pitié !", pour qu'il puisse passer la nuit dans le foyer de jeunes, il lui manquait sept francs. J'essayais d'amener (lourdement) la négociation sur le terrain sexuel - son jean lui tombait sur les reins à la manière de la dernière mode (stupide dans cette météo) - mais le jeune était trop fou, trop fatigué, trop saoul ou trop hétéro pour comprendre que je ne faisais pas que parler dans le vide (une joute verbale). J'aurais pu lui proposer de le ramener à mon hôtel où il aurait eu plus chaud, mais ce que je voulais plus, c'était le rabattre vers Krzysztof, mâle dominant de la soirée. Tout mon numéro n'était qu'en direction de Krzysztof qui, d'un sourire amusé, semblait aussi vouloir faire durer cet instant en cherchant infiniment dans une sacoche un fond d'argent. Le gosse prenait tout, chocolats, euros. Il voulait juste - et le plus sérieusement du monde - ne pas coucher dehors comme la veille. Un cycliste - une jeune fille, cette fois - s'écrasa à notre niveau. Je dis : "Il va falloir sauver beaucoup de vies, cette nuit."
Après avoir vu le spectacle de Guillaume Béguin, l'amant de Pierre Maillet, j'avalais rapidement un plat de traiteur, saluais Véronique Alain et me dirigeais vers le BFM, lieu sur le Rhône à quelques centaines de mètres où se donnait (A)pollonia. J'entrai à l'entracte. Toujours le théâtre le plus inouï. Sentir que les acteurs agissent sur et avec le public. Sentir toute la salle vibrer. Aujourd'hui Genève. Aujourd'hui la langue polonaise nous déchire le voile de la réalité ou de l'illusion. Ce que vous entendez là, ce qui vous a fait vibrer, vous l'avez en vous pour toujours. Je reconnaissais l'astrophysicien qui était tombé amoureux de la mère de Loïc Touzé (qui ressemblait à Mireille Darc). Je l'avais rencontré à Nyons quelques années auparavant. Mais lui ne me reconnaissait pas et, comme il était avec une autre femme, je n'osais pas intervenir. Je passais dans les coulisses pour un deuxième buffet de première absolument délicieux. Soupe de légumes de nos grand-mères, etc. Je saluais Renate Jett et bavardais avec elle et sa petite chienne toujours aussi névrosée. Puis Malgorzata, adorable. Puis, finalement, quand tout le monde se fut enfui, le grand jeu avec Krzysztof. Krzysztof insultait une femme qui venait lui dire aussi, comme une idiote, qu'elle faisait de la danse indienne : "Heureusement que vous ne chantez pas car vous avez une voix de soprano russe épouvantable." Et comme je protestais : "Comment, mais tu n'entends pas sa voix ?" La fille était assez soufflée car elle était effectivement russe et détestait chanter, détestait sa voix. Krzysztof m'expliquait que les femmes russes étaient obligées d'être soprano parce que les Russes étaient tellement machos. Je faisais le tampon entre le génie clairvoyant qui pouvait tout se permettre et cette pauvre femme qui hésitait dans sa dignité de femme. On discutait aussi de l'horreur suisse avec la directrice du lieu. Comme toujours la phrase : "Mais, vous aussi, les Français, la guerre d'Algérie..." On était d'accord avec Krzysztof pour dire qu'au moins les Français - et les Polonais, les Allemands, les Autrichiens, etc. avaient mauvaise conscience, mais que les Suisses, c'était ça, le problème pur, étaient droits dans leurs bottes. La Suisse cette tache "blanche" au cœur de l'Europe. Et de demander son démantèlement (selon le mot de Kadhafi). La directrice n'était pas contre que la Suisse disparaisse. C'était cela : que la Suisse disparaisse ! Je faisais remarquer en contrepoint à quel point les gens étaient adorablement aimables dans la rue. Au petit-déjeuner, j'écoutais, en même temps que j'écrivais tout ça : Dutronc (Paris s'éveille), Ballavoine (Le Chanteur), Gainsbourg (Je suis venu te dire que je m'en vais), Ferrer (Le Sud). La neige tombait toujours, toujours toujours, et je me proposais de rester pour toujours dans la Suisse inconnue, si proche - dans l'accent aimable - de ma région natale de l'autre côté de la frontière.
Après avoir vu le spectacle de Guillaume Béguin, l'amant de Pierre Maillet, j'avalais rapidement un plat de traiteur, saluais Véronique Alain et me dirigeais vers le BFM, lieu sur le Rhône à quelques centaines de mètres où se donnait (A)pollonia. J'entrai à l'entracte. Toujours le théâtre le plus inouï. Sentir que les acteurs agissent sur et avec le public. Sentir toute la salle vibrer. Aujourd'hui Genève. Aujourd'hui la langue polonaise nous déchire le voile de la réalité ou de l'illusion. Ce que vous entendez là, ce qui vous a fait vibrer, vous l'avez en vous pour toujours. Je reconnaissais l'astrophysicien qui était tombé amoureux de la mère de Loïc Touzé (qui ressemblait à Mireille Darc). Je l'avais rencontré à Nyons quelques années auparavant. Mais lui ne me reconnaissait pas et, comme il était avec une autre femme, je n'osais pas intervenir. Je passais dans les coulisses pour un deuxième buffet de première absolument délicieux. Soupe de légumes de nos grand-mères, etc. Je saluais Renate Jett et bavardais avec elle et sa petite chienne toujours aussi névrosée. Puis Malgorzata, adorable. Puis, finalement, quand tout le monde se fut enfui, le grand jeu avec Krzysztof. Krzysztof insultait une femme qui venait lui dire aussi, comme une idiote, qu'elle faisait de la danse indienne : "Heureusement que vous ne chantez pas car vous avez une voix de soprano russe épouvantable." Et comme je protestais : "Comment, mais tu n'entends pas sa voix ?" La fille était assez soufflée car elle était effectivement russe et détestait chanter, détestait sa voix. Krzysztof m'expliquait que les femmes russes étaient obligées d'être soprano parce que les Russes étaient tellement machos. Je faisais le tampon entre le génie clairvoyant qui pouvait tout se permettre et cette pauvre femme qui hésitait dans sa dignité de femme. On discutait aussi de l'horreur suisse avec la directrice du lieu. Comme toujours la phrase : "Mais, vous aussi, les Français, la guerre d'Algérie..." On était d'accord avec Krzysztof pour dire qu'au moins les Français - et les Polonais, les Allemands, les Autrichiens, etc. avaient mauvaise conscience, mais que les Suisses, c'était ça, le problème pur, étaient droits dans leurs bottes. La Suisse cette tache "blanche" au cœur de l'Europe. Et de demander son démantèlement (selon le mot de Kadhafi). La directrice n'était pas contre que la Suisse disparaisse. C'était cela : que la Suisse disparaisse ! Je faisais remarquer en contrepoint à quel point les gens étaient adorablement aimables dans la rue. Au petit-déjeuner, j'écoutais, en même temps que j'écrivais tout ça : Dutronc (Paris s'éveille), Ballavoine (Le Chanteur), Gainsbourg (Je suis venu te dire que je m'en vais), Ferrer (Le Sud). La neige tombait toujours, toujours toujours, et je me proposais de rester pour toujours dans la Suisse inconnue, si proche - dans l'accent aimable - de ma région natale de l'autre côté de la frontière.
Labels: libérez polanski
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