Friday, March 19, 2010

Evene

Rien n'est beau. Rien n'est gai. Rien n'est propre. Rien n'est riche [...]
[Théâtre - Contemporain]
Lieu : La Ménagerie de verre - Paris
Dates : du 10 Mars 2010 au 13 Mars 2010


- Mise en scène d'Yves-Noel Genod -

La critique [evene] par Mathieu Laviolette-Slanka



Habitué des performances loufoques et des créations équivoques, Yves-Noël Genod récidive. Mais au lieu d'une esthétique baroque, ce sont le vide, l'absence et le temps démultiplié à l'infini qui tiennent lieu de colonne vertébrale à son dernier projet censé s'inspirer du bûto. Elle est ténue et dangereuse, la limite entre le rien et l'ennui. Genod, par un miracle connu de lui seul - c'est tout son art -, se joue de la difficulté, transformant la contemplation en plaisir et l'attente en jouissance. Dans l'espace immense et blanc de 'Rien n'est beau...', les formes androgynes errent, balbutiant un langage qui tient plus du fond sonore que de la parole. Une femme en collants noirs vient fumer à côté du public. Elle est grosse, ridicule, tragiquement déprimante avec ses plumes colorées sur la tête, sa moue boudeuse et sa posture silencieuse. Jeanne Balibar surgit, prend ses cachetons, savoure une gloire imaginaire, s'affale sur le premier rang en chantant du Barbara. Des dindons envahissent le fond de scène. Des anecdotes comme celles-ci, Genod en a plein son sac. Il est possible de voir chacun de ces moments comme un fastidieux enfilage de perles pseudo-esthétiques. C'est un risque à prendre. Car on peut aussi se dire que chacune de ces propositions est l'occasion d'une contemplation muette et recueillie. Souvent drôle aussi, quand par exemple la géniale Marlène Saldana déboule, oreilles de lapin sur le crâne et ses habituelles ailes d'anges sur le dos - rouges cette fois. Peu à peu se dégage la possibilité d'une réflexion sur notre mode de vie centré sur la rapidité, l'efficacité et le productivisme effréné. Le rapport avec le bûto, danse du rien et de la déconcertation d'un peuple ayant subi deux attaques nucléaires, devient alors évident. Assis au milieu des spectateurs, Genod nous offre du temps pour respirer, de l'espace pour penser. A ce titre, il est bon de se faire prendre pour le dindon de la farce.

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