Friday, March 12, 2010

Crier merci

Coucou

Je viens de lire ce que tu écris sur hier soir. Là, je crois que c'est toi qui inventes cette histoire que les gens n'ont pas vraiment aimé. C'est comme si tu ne pouvais quasiment pas entendre autre chose. As-tu fabriqué ça avec l'attente qu'a pu susciter l'acceuil "dithyrambique" de la veille ? Ou est-ce tout simplement parce que tes parents étaient là ? Ce sentiment de ne pas pouvoir être accepté ni acceptable, ça doit être une des choses les plus répandues de l'humanité, surtout en famille...

Mais c'est beau aussi que tu puisses à la fois "manquer de confiance" à ce point, être dans une telle attente, et proposer un truc aussi gonflé et radical que ce que j'ai vu hier. Ça allait très très loin dans le genre "on partage un moment ensemble et c'est tout". Presque tout plutôt, mais dans ce "presque" (cet éclairage qui baisse infiniment lentement, ces masques froids, cette tristesse, la présence assumée par ces trois magnifiques comédiennes, toi qui dis "très bien" aux filles quasi immobiles sur le plateau, histoire de nous rappeler que ce temps partagé a été voulu et désiré et que cette durée, ces minutes qui passent dans ce silence partagé peuvent être désirée et appréciées, goutées comme trop rarement, dans ces quelque paroles sur Martha Graham, les coeurs, la mort et la vanité humaine, avec un troupeau de dindons qui s'endort et une vieille rengaine au loin...) - dans ce "presque", qui est déjà beaucoup, il y a un monde, peut-être même, le sentiment qu'il y a tout, en tout cas pour moi des sentiments très mélangés, très contradictoires... J'étais un peu secoué en fait et, plus tard, j'étais super content.

Alors qu'est-ce que tu veux dire quand tu viens de traverser un truc qui était rien, mais un rien partagé, juste être là ensemble, attentifs, nous grâce à elles et toi, comme des prétextes finalement ; et une sorte d'écho d'un peu tout ? Tu évites d'applaudir trop vite, c'est très rare ça, d'ailleurs ça ne m'est quasiment arrivé qu'hier soir de voir les gens faire ça, et après tu dis des trucs qui seront forcément à côté. Moi, je t'ai dit "bravo", mais au moment des saluts, à un moment, j'ai eu plus envie de crier "merci."

Ça me rappelle ce que dit quelqu'un (Mélanie Alves) sur ton blog, en parlant d'une tristesse qui lui tombe dessus comme une chape après avoir vu tes acteurs, elle ne sait pas pourquoi... C'est inévitable finalement ce genre de choses, des qu'on est un peu présent à soi : il y a toutes ces émotions refoulées, ces sentiments d'abondon, ces tristesses qui arrivent à la surface et qui demandent elles aussi un petit moment d'attention. A ce moment là, c'est bon d'arriver à se rappeler que cette attention, ce n'est pas à l'extérieur (les gens, le public, les gens qu'on aime) qu'il faut aller la chercher avant tout, c'est à soi-même de se la donner... juste un peu de tendresse envers cette demande infinie qui nous porte... un peu de non-jugement pour une fois...

Mmmmmmm merci pour le satsang....On dit que l'art du spectacle est en crise bla bla, mais un jour c'est peut-être l'art qui mettra la religion au chômage...

Je me suis aussi dit que vous étiez en train d'inventer le "non-théâtre" dans ce lieu désormais marqué par l'invention de la "non-danse", quelle absurdité ! C'est vrai que ce lieu, cet espace si curieux, doit forcément y être pour quelque chose dans tout ça, mais on s'en fout de ça : moi, finalement, je suis juste content d'être resté assis avec des gens pendant un moment à écouter notre propre présence dans cette durée et de m'être bien marré. "The rest is silence."

Love,

G



(Gérard Vidal.)



Oui, merci, je pensais pas du tout à toi évidemment... Et pour ma part, j'ai jugé la représentation excellente. C'était juste comprendre cette différence "dans les significations" incroyable dans les retours que j'ai eus - mais c'est la preuve que c'est vivant - le spectacle vivant est créé par le public, point final. Il faut accepter qu'à nouveau public (équilibre légèrement différent des mélanges), il change. C'est toujours sidérant de s'en rendre compte (à ce point), mais c'est vrai, c'est ainsi, c'est en direct. Comme la vie, la mort, pas de filtre.

YN

Labels:

0 Comments:

Post a Comment

<< Home