DictiPhone
Le Conservatoire de musique
Je regarde un lac. Alors je, je suis allé voir sur le promontoire le lac la nuit. Lac tombé sur la nuit. Et y avait deux verres de bière – en plastique posés sur le rebord presque, qu’on, que j’vais pas décrire parce qu’on peut les voir sur les photos. C’est un cadeau. Un cadeau pour les photos. Et le lac était immense, immense et seul et (Temps. Difficulté de la suite.), et absolument tourné vers le ciel et brouillé de brume et calme pourtant comme une mer intérieure ou un état mental et y avait rien de plus beau, dans le sens (Temps.) : là, présent, Bouddha joyeux, et j’ai compris comment (Temps.) on pouvait, (Pointe d’accent.) en étant en Suisse, adorer la Suisse et, en étant étranger, heu (Temps.), s’oublier en Suisse. Et y avait la lune à moitié, comme une orange, quartier d’orange. Comme aussi la moitié de la salle d’Avignon. Moitié des spectateurs pleine. Moitié pleine, moitié vide, de mon côté – et l’échange de ça, la forme 1, ying et yang, le vide et le plein, c’est ce qui s’est expérimenté à Avignon dans cette salle ronde, à 360 degrés acoustiquement au point. – Et je l’dis spécialement pour Sarah Neumann qui est une lectrice de Lausanne que je viens de rencontrer. – Mais je m’éloigne un peu parce que je voulais dire à quel point le lac invisible (Reprise de la difficulté.) bleu tonnerre exactement du même bleu ou très similaire au nuage au-dessus, à la nuit, au crépuscule – juste un petit friselis de perles d’électricité de l’autre côté, un – guirlande de diamants, de scintillements, de scintillation humaine électrique, heureuse, progressive – et le lac – et le lac.
Ce lac, c’est, c’est exactement quand même un morceau d’vide, hein, au centre. Voilà, c’est, c’est l’émotion absolue, c’est un morceau d’vide – au centre, un morceau, un morceau d’cosmos – à l’intérieur, enfin, chez nous, quoi, un morceau d’infini… juste là comme un trou – au crépuscule, évidemment. Alors, quand on a ça (Soupir.), ben, on a l’émotion, quoi. Mm. Et je voudrais toujours rester là à regarder cette absence de temps qui passe. Absence de temps qui passe. Et la terre tourne vite, etc. Mais, là, là-là-là, il y a quelque chose qui est (Temps. Soupir.), qui est « champagne », oui. Ouais, ouais. Absence de temps – infinie – sous soi, pas au-d’ssus – pour une fois. (Temps.) Miroir absolu, voilà. Miroir absolu. Mi-roir absolu.
Ça qui me donne, ce qui me donne l’impression, l’envie de continuer ce métier, c’est que je suis ébahi par le pouvoir, la puissance des comédiens et qui – sans cesse renouvelée. Quand je vois une personne nouvelle, je suis, je crois qu’je vais être blasé, je crois que j’vais, j’ai déjà tout vu, je crois que – et je suis, mais – non, mais pas toujours évidemment, mais enfin, souvent, mais stupéfié de la, de où les choses vont alors que je, j’ai l’impression de raconter quand même toujours la même chose – mais où les personnes que j’ai en face de moi peuvent faire aller les choses dans des endroits où j’avais, où j’aurais jamais pensé : j’suis ébahi. J’trouve que les metteurs en scène doivent donner plus – et certains le font – le pouvoir aux comédiens. Et c’est metteurs en scène et chorégraphes.
C’est bizarre que j’me cons, heu, sacre maintenant, comme ça, aux homosexuels. Euh, c’est nouveau ! Jusque là, j’les aimais pas – sur un plateau et, alors là, je m’fais, j’ai une espèce de, oui, de consacration, de dévouement, de don de moi à la cause, à la, enfin aux personnalités homosexuelles, quoi. Ces infirmes et pourtant si émouvantes… C’est très curieux, oui, j’délaisse complètement les (Essoufflement.), les beaux (Essoufflement.), les beaux et forts (Essoufflement.), heu, surfeurs (Essoufflement.) des montagnes (Essoufflement.) pour (Essoufflement.) ne garder que la (Essoufflement.), ne m’intéresser qu’à la (Essoufflement.), la perdition, la transparence, la disparition homosesuelle (Essoufflement.)
(Essoufflement général, en marchant.) Ouais, sinon, heu, le réveil n’a pas sonné, alors Cédric était en r’tard, ses cours de théorie sur Stanislavski. Il a, il a, ben voilà, j’ai dit alors que – il a qu’à dire, comme mot d’excuse, que j’avais, j’l’avais emmerdé toute la nuit, j’lui avais pissé d’ssus toute la nuit : j’étais dans un état un peu, on avait dû s’battre, les draps, bon bref… qu’il noircisse le tableau au maximum comme ça, ça me f’rait une réputation qui pourrait lancer le spectacle de, de, des Urbaines, qu’il charge bien la barque, voilà, j’espère qu’il l’a fait, le f’ra…
C’est curieux que… Enfin, j’ai dit, j’ai dit à Patrick la vérité, que je faisais ce blog parce que je n’travaillais pas assez, c’est quand je trav – à Avignon par exemple, j’ai très peu écrit parce que j’ai – du travail. Et, alors, c’qui est curieux, c’est que je puisse pas imaginer, heu, d’autre sorte de travail que ce, celui qu’je fais quand je, que je nomme « travail », enfin, j’veux dire, c’est pas très clair, mais – d’autres sortes de choses qui pourraient m’occuper autant que – et, et, et m’empêcher d’écrire sur ce sur ce blog, voyez. Des choses qui s’raient – plus fructueuses. A moins qu’on m’démontre que c’est finalement fructueux de, d’écrire sur ce blog. Mais le, le, l’influence n’est pas dans ce sens. Le sens que j’écoute n’est pas dans ce sens.
Labels: lausanne
1 Comments:
Oui à force de remonter dans le temps d'YNG, je me demande pourquoi il écrit au temps.
Toujours est-il que ce texte quasi proustien est très émouvant. Ecrire l'indicible de l'expérience humaine - solitude.
Intéressant le mot à recopier : 'shext'
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