Wednesday, December 22, 2010

Etre Bartabas ou rien

Je suis rentré dans l’immense salle de Chaillot pour la dernière d’un immense spectacle. Le cadre de scène avait été refait, monumentalisé, blanc. J’avais sommeil, incroyablement sommeil, comme quand on conduit la nuit. Je n’arrivais pas à garder mes paupières ouvertes et je trouvais que les images que je voyais étaient hypnotiques. C’était les plus belles images du monde, des images de rêve, mais je devais lutter (avec moi-même) pour les percevoir à travers des couches et des couches de sommeil. C’était la dernière d’un spectacle. Je ne pourrais plus jamais les revoir. Les images. Le texte qui était dit en voix off revenait lui aussi du sommeil, d’un très haut sommeil. Je ne pouvais pas, je ne voulais pas l’entendre. Puis, enfin, les marais ont été traversés, je suis revenu à moi, j’avais traversé la lumière, j’avais traversé les paupières. C’était inouï, c’était des histoires de cheval – et d’univers. Les chevaux étaient appliqués comme de très bons comédiens. Ils dansaient (comme de la danse contemporaine : immobiles). L’homme sur leur sommet était une émanation d’eux, un fantôme, souvent ailé. Une tête, une violence. Dark Vador. L’homme au sol était l’homme, parfois dédoublé. Son ombre s’émancipait, lui aussi rêvait, lui aussi séparait la mort. Toute la salle de l’immense théâtre ne vibrait que pour eux, endormie ou non. Quand les lumières se sont rallumées, j’ai pensé : « être Bartabas ou rien » (sur le modèle de Victor Hugo : « être Chateaubriand ou rien »). Et mon visage devait être lavé de toute ambition car ma voisine m’a regardé avec ferveur et sans un mot. Un regard pour un bonheur.






« Vous ne semblez pas vous douter que celui-ci, que la maladie força de ne connaître que les premières phases de la vie, et que la fosse vient de recevoir dans son sein, est l'indubitable vivant ; mais, sachez, au moins, que celui-là, dont vous apercevez la silhouette équivoque emportée par un cheval nerveux, et sur lequel je vous conseille de fixer le plus tôt possible les yeux, car il n'est plus qu'un point, et va bientôt disparaître dans la bruyère, quoiqu'il ait beaucoup vécu, est le seul véritable mort. »

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