L’Art du spectacle
Grande promenade dans Bruxelles nocturne (gothique et improbable) pour rejoindre, au 123, rue Royale, la soirée « Mon Cul Ta Praline ». Je ne suis resté que trente secondes : trop enfumé. Une serveuse du Houtsiplou (où je dîne souvent) m’a reconnu, elle était déguisée en belette ou je ne sais quoi, elle m’a dit qu’une autre serveuse allait être là aussi et Jean Biche n’était sans doute pas arrivé. En ressortant, j’ai pris des photos de l’entrée d’un palace en désuétude, l’hôtel Astoria, on se serait cru au Caire. J’ai rejoint Chez Maman où j’avais essayé d’aller déjà jeudi (mais c’était fermé). Pendant un moment, j’ai pensé que c’était l’un des deux plus beaux spectacles que j’ai vus de ma vie, ça et les vieux du théâtre de L’Œuvre, à Marseille – et, le troisième, disons, la fête foraine (« la vogue ») quand j’avais quatre ans. Bon. J’avais la banane indélébile. Imaginez : il n’y a même pas de scène ! Les déesses cabossées sont sur le bar ! Elles arpentent le bar ! (Un escalier pour y descendre de l’étage et un autre pour aller dans la salle). La première fille était extraordinaire, elle a chanté a capella Lady Gaga puis un « medley Abba » très demandé. (Elle faisait mine d’en avoir sa claque d’Abba, mais c’était ce que voulait la foule.) Beaucoup d’humour. Elle a annoncé que ça allait être une soirée de duos because la Saint-Valentin (elle a fait le geste de se tirer une balle dans la bouche sur ce mot) et elle en a chanté un premier avec Maman, la tenancière du lieu. La population (la clientèle) était principalement composée de pédés, c’est ça qui m’a étonné. Mais, enfin, ils connaissaient au moins toutes les chansons par cœur et les hurlaient quasi en transe – jusque là, tout allait bien : le public rendait le spectacle sublime. Edith Piaf, Donna Summer, Céline Dion, Dalida… Maman a chanté Parole, parole de Dalida en duo avec un jeune très beau serveur du bar censé porter la voix d’Alain Delon (après la première sublime vraie chanteuse, on s’était remis au play-back, vraie tradition, finalement, de l’art). Ça s’est gâté après parce que des duos, des duos, c’est-à-dire un trave surdimensionné et un serveur pédé freluquet : insupportable ! Elton John et tout ça… (Le seul pédé freluquet que j’ai jamais supporté, c’est Pierre.) Ils dévaluent leur art à faire ça… Enfin, c’est la Belgique, on met tout le monde dans la même soupe, probablement, le melting pot. Mais, ça, je trouve que ça ne va pas. Je suis parti. (De toute façon, j’étais crevé.) Dans le train, ce matin, mon énorme voisin du Moyen-âge lit un journal où apparaît une photo de Liz Taylor. Elle est hospitalisée. Voici un vrai beau travelo, remarqué-je en l’imaginant dans la distribution de 1er avril. Mais elle est hospitalisée… Marlène remplacera… Le temps était gris, on passait près des terrils, montagnes de neige anthracite. L’art du spectacle... Me suis endormi.
Labels: bruxelles
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