Tuesday, March 22, 2011

L'Acteur sans qualité

Bon, Philippe, tu m’as un peu épuisé aujourd’hui, j’ai rien foutu de la journée ! Certes pas ce que tu as fait sur le plateau. Tu es très doué. Il faut que tu gagnes en autonomie, en confiance, à Bruxelles (je parle de l’en-dehors du plateau parce que sur le plateau, tu m’as montré ta confiance). Il faut aller très, très vite, c’est presque secret, je n’aurai plus le temps de m’occuper de toi : j’ai plein de choses à faire, en particulier la mise en scène ! (Qui n’est qu’arrangement, mais quand même.) Mais tu es parfaitement capable de cette autonomie, je sens. Te laisse pas avoir. Rapidité, pas problèmes, c’est la vie. Jeanne et Felix sont des gens très autonomes avec qui j’ai déjà travaillé et qui me font et se font confiance (puisqu’ils reviennent et toujours dans des conditions financières quasi inexistantes). Le maître mot de ce travail, c’est le plaisir de le faire. Dès que tu comprends ça, c’est gagné, la peur disparaît : liberté et plaisir. Tu peux laisser la virtuosité jouer toute seule et, toi, juste kiffer. Attention : écris – et tente de te souvenir (en l’écrivant) de tout ce qui était bien pendant ces deux répétitions (il y a eu a lot, en effet). Il n’y a surtout rien à jeter, tout à recueillir. (Jeter, c’est facile, pas ça le problème.) Plus c’est merveilleux, plus c’est volatile. Si tu veux travailler des textes (de la parole), j’ai rien contre du tout, mais fais-le chez toi, on n’aura pas le temps de le travailler sur le plateau. C’est tout à fait possible, mais il ne faut pas que la qualité d’ouverture cosmique (« musique des sphères ») tombe au moment « texte ». C’est possible, mais ça demande de l’assimilation, quoi. François Tanguy m’avait dit une fois que le mot qu’il détestait le plus quand on parlait du théâtre, c’était le mot « texte ». (Si cela peut te libérer.) C’est juste qu’il ne faut pas que ça coupe le vivant. (Ça ne doit pas faire barrage de castor, le texte.) Donc devoir à la maison. Tu vas découvrir une nouvelle salle, très différente, et la kiffer, j’espère. Il faut (dans tes notes) se souvenir de cette salle à Paris que tu as rendu belle. J’aimerais beaucoup (évidemment, dans ce système « on jette rien ») que tu sois là en nov-déc. Mais faisons déjà (bien) Bruxelles et on en reparle, minou…

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