Sunday, July 31, 2011

La Rotation des messes

La Bretagne se déchristianise, ça m’a fait un choc. J’ai deux tantes qui vont encore à la messe, point final. De mon temps, on y allait tous, presque tous, un mécréant ou deux, on remplissait une deux chevaux à douze, on amenait même le chien. Il n’y a plus de curé permanent. Mais qui s’occupe de quoi ? Que deviennent les bâtiments ? Je ne crois pas en Dieu, mais ça m’a fait un choc : c’était toute mon enfance. Quelque chose perdurait. Quelque chose pleurait qui perdurait, parfois en breton, les chants, le noir, parfois les coiffes. Les fleurs, la mort douce aux enfants, les tombes, les vieux. Il y a un roulement, maintenant, on m’explique, parfois la messe est très loin. « Quand c’est à Irvillac, je n’y vais pas. » Mais que sont devenus les curés ? C’était toute mon enfance, le paysage local, le folklore, l’humanité, l’été… Je tape « la Bretagne se déchristianise » sur Internet et je tombe sur le forumarchedemarie : « Déchristianisation complète même en Bretagne et Vendée : Cela ne nous surprend pas, mais, au moins, les choses sont claires. » Moi qui avais créé – est-ce si loin ? – le jour de la saint Yves (le 19 mai), à Rennes, un spectacle intitulé Jésus revient en Bretagne – est-ce donc si loin ? Qu’a-t-elle, la Bretagne, à proposer – à part des algues vertes ? Quelle misère, la vie sans trêve, la vie sans père, la vie sans Dieu, sans dimanche…

« A la fin du Ve siècle, l’auteur caché du Corpus Dionysiacum déclare qu’aucun prédicat affirmatif ne convient à Dieu. On ne peut rien affirmer de lui ; on peut tout nier. Schopenhauer note sèchement : « Cette théologie est la seule vraie, mais elle est sans contenu. » Rédigés en grec, les traités et les lettres qui forment le Corpus Dionysiacum trouvent au IXe siècle un lecteur qui les traduits en latin : Johannes Eriugena ou Scotus, c'est-à-dire Jean l'Irlandais, dont le nom dans l'histoire est Scot Erigène, autrement dit Irlandais Irlandais. Celui-ci formule une doctrine de caractère panthéiste : les choses particulières sont des théophanies (révélations ou apparitions du divin) ; derrière se trouve Dieu, qui est l'unique réalité, « mais qui ne sait ce qu'il est, parce qu'il n'est pas quelque chose, et qu'il est incompréhensible à lui-même et à toute intelligence ». Il n'est pas sage, il est plus que sage ; il n'est pas bon, il est plus que bon ; il déborde et exclut, insondablement, tous les attributs. Jean l'Irlandais, pour le définir a recours au mot nihilum, néant : Dieu est le néant primordial de la creatio ex nihilo, l'abîme où ont pris naissance les archétypes, puis les êtres concrets. Il n'est Rien ni Personne. Ceux qui l'ont ainsi conçu l'ont fait avec le sentiment que cela vaut davantage que d'être Quelque chose ou Quelqu'un. De façon analogue, Samkara enseigne que les hommes, dans le sommeil profond, sont l'univers, sont Dieu. »

Tiens, j'y pense et je l'écris ici pour m'en souvenir : il faudra que je recopie cette citation sur papier libre pour Claude Régy qui ne lit pas mon blog (il n'a pas d'ordinateur, le brave homme). Elle est extraite d'une des Enquêtes de Jorge Luis Borges écrite en 1950 à Buenos Aires et intitulée : De quelqu'un à personne (en Folio/Essais).

Les enfants crient autour de la maison, rient, courent – et j’écris.

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