Thursday, August 18, 2011

Agitata da due venti




Je suis toujours aussi fatigué. C’est absolument déprimant, désespérant. Les klaxons et les annonces de la gare du Nord ont remplacé les geais, les bourdons, les voix lointaines ou proches, les bruits des tongs (reconnaissables ou mystérieux), les chiens, dans des soupirs ou des aboiements, l’ouie presque odorante et l’immense coque, conque, réverbération proche et lointaine de la baie, du gouffre ou du pluriel. (Je m’arrête là.) Je ne suis heureux que les yeux fermés. Même pour vous écrire cette phrase – précédemment formulée dans le noir – il faut imaginer, cher lecteur, qu’il y a l’effort d’une trahison. Oui, la phrase que vous lisez – précédemment formulée dans le noir – a la dégradation d’une trahison. Imaginez-le avec moi… Avant la Corse, j’avais pensé m’organiser pour « vivre un jour sur deux » – l’ai-je déjà écrit ? –, après la Corse, ça s’imposait. Un jour pour vivre, un jour pour l’écrire. Il fallait impérativement que je me tienne à cette nouvelle économie de propos. Je ne pouvais pas tout faire. Je ne pouvais plus tout faire. Après tout, si j’arrivais à vivre ainsi, un jour sur deux, c’était encore inouï. C’était mieux que de se tuer d’un seul coup. A petit feu, à petit feu… Il fallait croire en l’écriture. Je veux dire en la mienne. Il fallait croire que l’écriture, même la mienne, allait, pouvait remplacer la vie (même la mienne). Que le jour et la nuit bénie autour de moi continuent leur orbe, continuent à me malaxer, je continuerais, quant à moi, à me laisser dériver sans penser à la rentrée littéraire. C’est cela, l’écriture : être un bouchon sur la mer, être un insecte sous le hamac, être une oblade qui me regarde, une parmi tant, mais une, une qui me regarde être, n’être rien, la lumière, la nuit. En Corse, on s’était bien occupé de moi. Je n’avais rien eu à faire. J’avais dérivé, porté presque en triomphe hors de la dépression jusqu’au soleil, jusqu’à la mer à ses pieds. Tous ces gens de la Corse avaient été des amis sincères, exemplaires. Que Dieu les bénisse !* Alice Bourrelle m’envoyait, en temps réel (je veux dire maintenant que je vous écris), des photos-preuves de nos amours et de nos retrouvailles. Ce matin, j’avais débauché le Sté pour me conduire à l’aéroport, nous étions partis au moment où le soleil avait pointé son nez sur le chalet, je me souviens, j’avais fait remarquer à Dany déjà hors du sien – de son lit – que les astrophysiciens se plaignaient que l’on dise toujours : le soleil se lève, le soleil se couche, mais qu’à notre échelle, c’était pourtant bien la sensation. « Comment faudrait-il dire alors ? » Nous ne savions pas. « Notre père » et « notre mère » nous avaient regardé partir à travers le portail et j’avais eu l’impression d’une infinie tendresse d’enfants. Sur la route, cette fois, mais toujours au-dessus de la mer, Cecilia Bartoli, dans des extraits choisis – surtout de Mozart –, remplaçait Alain Chamfort dans son disque-hommage à Yves Saint Laurent...






Agitata da due venti,
freme l'onda in mar turbato
e 'l nocchiero spaventato
già s'aspetta a naufragar.
Dal dovere da l'amore
combattuto questo core
non resiste e par che ceda
e incominci a desperar.



Agitated by two winds
trembling waves in the turbulent sea
and the frightened steersman
already awaits to be shipwrecked.
By duty and by love
this heart is assailed;
it cannot resist and seems to give up
and begins to despair.






* Mieux dit : Que Dieu leur rende service !

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2 Comments:

Anonymous Querozenn said...

"C'est confirmé, je suis un jour sur deux."

http://querozenn.blogspot.com/2009/05/etre-un-jour-sur-deux.html

9:48 AM  
Blogger Marie-Noëlle Genod, le dispariteur said...

Ah... excellent ! Thanks

10:45 AM  

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