La Confiance
« Je crois qu'le défaut des gens, en général, c'est d'pas se faire confiance. Pourquoi ? C'est une prétention de n'pas se faire confiance. On fait confiance à la nature, on en fait partie. Moi, je m'fais confiance comme je f'rais confiance à quelqu'un d'autre – ou un animal. »
Je précise que c'est ce que je veux dire quand je propose aux acteurs de se considérer comme des stars : se faire confiance. Faire partie de la nature*. Animal, étoile... Encore une fois : pas d'« états d'âme ». L'animal fait tout. Demandez à Mick Jagger. Ou l'arbre. Ou l'homme.
Quand nous sommes arrivés sur la plage, hier, en roulant vite, en descendant de la forêt, en roulant vite car ces journées d'été finissent à sept heures, les chatons se sont affalés sur le sable et se sont endormis. J'étais seul à admirer le coucher de soleil. J'étais seul à marcher dans le lagon à mesure que la lumière baissait. Là où nous nous étions mis, cette fois-ci (juste avant La Bobine alors que, l'autre fois, nous étions au-delà de La Bobine, le restaurant de plage où nous avons redîné), on ne peut pas vraiment nager, il y a trop de coraux. Des buissons de corail somptueux, posés sur la steppe du sable. Avec la lumière qui baissait, je voyais pourtant à travers l'eau, je voyais les poissons. Eux-aussi me regardaient. C'est étrange, toujours, de se retrouver les yeux dans l'œil d'un poisson qui penche un peu la tête à travers la frontière de notre séparation. Toi l'air, moi, l'eau, au crépuscule, sur cette même terre. Sans doute se demander, lui aussi, à quoi je peux bien penser. Hello ! Il y en avait de très beaux, de somptueux, de très, très beaux, vraiment, que je photographiais des yeux (il n'y avait plus assez de lumière pour l'iPhone). Je pourrais vous les peindre. Il y en avait que j'adorais, des plus petits, noirs, méchants comme des chiens, qui défendaient leur corail dès que j'approchais la main. Et que je te morde et que je te menace, toi, le King Kong ! Et on va pas rigoler parce qu'on est nombreux ! Mais nous savions, nous et eux, que quelque chose nous reliait, un intérêt commun. Nous savions qu'ici le requin ne viendrait pas, qu'il ne franchirait pas la barrière merveilleuse au bruit de vagues innombrable, là-bas, un peu étouffé. Il y a eu quand même quelque chose que je n'ai pas touché, ça a été ces sortes de chaussettes violettes, grosses limaces, je ne savais si c'était poisson ou plante... (Mais on m'a dit ensuite que le corail de pierre était un animal !) Je n'ai pas touché les oursins non plus, on ne sait jamais... Les bichons dormaient. Je les ai réveillés une fois car j'étais triste qu'ils perdent ces merveilles, mais ils se sont rendormis dans leur royaume.
* Mais il faut voir Marguerite Duras parler de ça. J'ai remis en lien.
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