« Tout Le Clézio quand j’ai été ado »
Dans le club, je m’énervais avec David, complètement bourré, je lui disais que je ne voulais pas parler, pas l’écouter, que la musique était trop forte, le rabrouais. Le lendemain, j’avais honte et Gaby m’expliquait que David était autiste, légèrement, une forme créatrice d’autisme et qu’il faisait des bijoux somptueux pour les plus grandes marques, Givenchy, Tom Ford…, en ce moment, il travaillait avec des vertèbres de… serpent ? mais ne dit-on pas les invertébrés ?... de reptiles, sans doute… Plus tard, dans la voiture, on parlait encore de David, il avait fait chier tout le monde, mais tout le monde l’aimait…
J’avais aussi perdu pied, trace avec Ludwig, un architecte très beau, collaborateur de Manou, qui, au début de la soirée, avait déployé une séduction d’enfant heureux. Mais il s’était noyé dans la coke, c’était insupportable : il avait passé un quart d’heure à me dire qu’il ne remercierait jamais assez ses parents de l’avoir appelé Ludwig… Le lendemain, je l’avais recroisé, encore au lit, non, il n’allait pas à Sta Catarina (état de Morelos), il devait travailler sur le chantier (un nouveau bar, encore des pages et des pages dans « Wallpaper »).
Cristian et Eva, ça, c’était triste, avaient voulu parler de leur « problème de couple ». J’avais dit une chose ou deux comme : « Il faut se remarier tous les trois ans, y compris avec la même personne » et je m’étais éclipsé. Cristian et François lui aussi intéressé et par les problèmes de couple et par Eva voulaient me retenir : « Reste, Yvno, reste ! » J’avais dit : « Je ne suis pas psychologue olympique ! », allusion au nom d’un lutteur qu’on était allé voir quelques soirs avant (en fait, mal traduit par François : Psychose Olympique).
Le club était très beau, vraiment, avec des hauteurs de secte, de cathédrale, des noirceurs et des clartés de bois blond, il ressemblait à une énorme enceinte, en un sens, mais François ne l’aimait pas, non, trop de « sécurité », de filtrage à l’entrée, il voulait danser la cumbia.
On était passé dans la partie clandestine qu’on s’était fait ouvrir, sorte de coulisses, de cache qui rappelait la prohibition aux Etats-Unis…
La maison était originellement celle de celui qui avait introduit le communisme au Mexique. M. N. Roy.
Grands canapés, une lampe blafarde au plafond. De très belles filles, de la drogue. Des flingues.
C’était dans l’escalier métallique de cet arrière-décor que Cristian et Eva avaient voulu parler de leur « problème de couple ».
En sortant, je remarquais le superbe travesti physionomiste.
Le lendemain, on m’apprit que cette célébrité s’appelait Semoi. Manou, dans la voiture, disait qu’il l’écrivait même « Z.e.m.m.o.a » (pour mon carnet).
A l'entrée, au dehors, des jeunes gens magnifiques de fraîcheur et de disponibilité comme il y en a partout dans le monde (à Paris, aux soirées Flash Cocotte, par ex.) s’entassaient contre la porte puissante.
Le lendemain, dans le quartier de la Roma, je reconnaissais les hipsters dans la rue. Ce n’était pas moi. Ce n’était pas Manou non plus. Manou disait qu’il était « old school ».
Aimais-je ma condition ? Ni en couple ni travelo, pas d’amour, pas de problème. Oui, j’aimais ma condition. Dans mon cas, les amis comptent beaucoup. Je vivais en parasite au crochet de mes amis.
Sur la route pour Sta Catarina – route magnifique qui passait un col à 3100, pins et pâturage, volcans formes chinoises – il y avait le plus grand virage du Mexique (ou de toute l’Amérique latine, je ne sais plus ce qu’a dit Manou).
Curva Peligrosa.
Le « virage de la Poire ».
Il fallait retenir sa respiration jusqu’au bout.
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