L’Enchantement pour la diversité du monde
Il ne s’agit que d’une audition, ce que décrit Olivier Steiner.
Le spectacle est à la fois fait, déjà fait, déjà disparu, impossible et remplaçable
par tout autre chose. C’est toujours triste que le public ne voit pas en
temps réel, ne voit pas au moment de l’ « apparition »,
comme disait Marguerite Duras, qui est le moment – ou l’état – qui m’intéresse
au théâtre, qui intéresse tout le monde, en fait, il n’y a que ça. C’est
dommage que le public ne voit pas les auditions. J’ai toujours adoré travailler en audition, cette disponibilité d’un interprète, d’une personne qui ne connaît pas son avenir, mais
qui avance – c’est bouleversant – avec confiance, si je sais la lui proposer. Evidemment que peut-il y avoir de plus touchant que de voir quelqu’un
avancer dans la vie – sa propre vie ? C’est aussi bouleversant que d’être un jardin, que de
vivre un jardin. Pour Chic By Accident, les auditions étaient en groupe et
elles étaient exactement le spectacle que nous avons essayé de reproduire ou de
dégager – comme le sculpteur de marbre dégage la forme déjà dans le bloc qu'il choisit. Juste le
vivant. (J’en étais le premier surpris.) Les groupes de personnes disparates,
réunies et intimes par le plus grand des hasards, aux trois moments des
auditions, décembre, janvier et mars, ensemble naturel d’une splendeur
inouïe, étaient le spectacle, ce que j’avais envie de montrer, pas plus, pas
moins, « C'est ça, l'essence de la magie, qui ne crée pas, mais invoque. » (Franz Kafka.) Il s'agissait, chaque fois, d’engager le groupe entier. Mais tout ceci
est très fragile, aile de papillon. A la fois splendeur de l’humanité – sa
disponibilité – et très vite les problèmes surgissent, les groupes se défont d’eux-mêmes.
Mais pas au début.
« Bientôt, dans qq jours, ça commence, le 31 mai, au Rond-Point, Yves-Noël Genod va s'occuper de vous personnellement. En bon génie du titre qu'il est, Yves-Noël a appelé son prochain spectacle Je m'occupe de vous personnellement. Hier soir, j'ai pu assister à une répétition. Silence total dans la salle, deux / trois personnes dont Alexandre Styker qui mangeait un sandwich. YN était d'un calme insensé, un calme que je ne lui connais pas dans la « vraie vie », impressionnant. J'étais dans mes petits souliers. Sur le plateau gris, tee-shirt gris et boxer noir, le petit Marcus. Pas de danse sans musique, sans rien. Marcus cherche, hésite. Il traverse le plateau en déchirant une feuille de papier alu, YN dit « Magnifique », dans ma tête, je pense « Bof ». Marcus s'approche de la fenêtre, il y a trois fenêtres ouvertes sur la rue. A l'extérieur, Dimitri chante un air d'opéra russe. YN me demande si ce n'est pas faux, je réponds que oui, c'est faux, mais que c'est pas mal, ce faux-là. Et là, catastrophe, Marcus se met à jouer un truc un peu comique genre Charlie Chaplin, un truc vraiment destiné au 4ième mur. YN éclate de rire et va sur le plateau. Très doux, toujours en riant, il dit à Marcus : « Mais qu'est-ce qui se passe ? Encore une rechute ? C'était quoi ce petit moment « Au théâtre ce soir » ? Il n'y a pas de public, on n’a rien à jouer ici (quand YN dit « jouer », j'entends « démontrer »). » C'est simple, c'est dit avec beaucoup de tendresse, YN connaît Marcus depuis qu'il a 7 ans. Marcus recommence. Il fait des choses avec les murs. Et ça devient sublime. Fragile et sublime. YN le soutient d'une voix faible : « Oui, magnifique, somptueux, oui, très beau, ça marche, ça. » Et YN demande à Marcus de se remémorer les pas de danse du TCI, le moment avec Proust. Pas de refaire la même chose mais de danser la mémoire d'une danse. Marcus le fait, il est dedans, c'est un fil qui se déroule. Marcus est magnifique, seul sur le plateau, vraiment seul, je veux dire. Il n'y a que l'amour d'YN pour l'accompagner, surtout pas de musique. Ce que fait Marcus va du déséquilibre à l'agilité la plus grande. Je me dis qu'YN n'a pas son pareil pour célébrer la jeunesse. Et comme le dit Catherine Deneuve dans Indochine : « C'est peut-être ça, la jeunesse, croire que les choses sont inséparables, les montagnes et les plaines, les humains et les dieux... » »
« Bientôt, dans qq jours, ça commence, le 31 mai, au Rond-Point, Yves-Noël Genod va s'occuper de vous personnellement. En bon génie du titre qu'il est, Yves-Noël a appelé son prochain spectacle Je m'occupe de vous personnellement. Hier soir, j'ai pu assister à une répétition. Silence total dans la salle, deux / trois personnes dont Alexandre Styker qui mangeait un sandwich. YN était d'un calme insensé, un calme que je ne lui connais pas dans la « vraie vie », impressionnant. J'étais dans mes petits souliers. Sur le plateau gris, tee-shirt gris et boxer noir, le petit Marcus. Pas de danse sans musique, sans rien. Marcus cherche, hésite. Il traverse le plateau en déchirant une feuille de papier alu, YN dit « Magnifique », dans ma tête, je pense « Bof ». Marcus s'approche de la fenêtre, il y a trois fenêtres ouvertes sur la rue. A l'extérieur, Dimitri chante un air d'opéra russe. YN me demande si ce n'est pas faux, je réponds que oui, c'est faux, mais que c'est pas mal, ce faux-là. Et là, catastrophe, Marcus se met à jouer un truc un peu comique genre Charlie Chaplin, un truc vraiment destiné au 4ième mur. YN éclate de rire et va sur le plateau. Très doux, toujours en riant, il dit à Marcus : « Mais qu'est-ce qui se passe ? Encore une rechute ? C'était quoi ce petit moment « Au théâtre ce soir » ? Il n'y a pas de public, on n’a rien à jouer ici (quand YN dit « jouer », j'entends « démontrer »). » C'est simple, c'est dit avec beaucoup de tendresse, YN connaît Marcus depuis qu'il a 7 ans. Marcus recommence. Il fait des choses avec les murs. Et ça devient sublime. Fragile et sublime. YN le soutient d'une voix faible : « Oui, magnifique, somptueux, oui, très beau, ça marche, ça. » Et YN demande à Marcus de se remémorer les pas de danse du TCI, le moment avec Proust. Pas de refaire la même chose mais de danser la mémoire d'une danse. Marcus le fait, il est dedans, c'est un fil qui se déroule. Marcus est magnifique, seul sur le plateau, vraiment seul, je veux dire. Il n'y a que l'amour d'YN pour l'accompagner, surtout pas de musique. Ce que fait Marcus va du déséquilibre à l'agilité la plus grande. Je me dis qu'YN n'a pas son pareil pour célébrer la jeunesse. Et comme le dit Catherine Deneuve dans Indochine : « C'est peut-être ça, la jeunesse, croire que les choses sont inséparables, les montagnes et les plaines, les humains et les dieux... »
Labels: rond-point ménagerie
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