Do we mean love, when we say love ?
La
souffrance est la porte du non, la porte qui chasse du paradis et nous éloigne
de Dieu. Tout le monde le sait, même les plantes, les brindilles, même les
fleurs obscènes. La basse-cour merveilleuse que j’ai longtemps observée ce
matin le sait. D’ailleurs, ces bêtes-là protégées dans l’enclos du paradis,
quelle idée auraient-elles de s’en échapper ? Revenons aux
fondamentaux : Nous habitons le paradis. Dieu nous aime. Dieu ne nous abandonne
pas. Dieu ne peut rien quant à notre souffrance. Il est interdit de souffrir.
Tout le reste est permis.
« J’écris
pour répondre d’abord aux pages blanches de mon cahier. Il faut que je
réponde. »
Je
suis dans une ferme-auberge. Avachi. Peux pas écrire. Fatigué. Peux pas
communiquer, Internet ne marche pas dans ma chambre (il faudrait que je
redescende – mais je l’ai déjà fait trois fois). Ma chambre ne ferme pas à clé.
J’ai vu les cochons. J’ai renoncé à la promenade. Le pays est tout simplement
magnifique. Mais je vais dormir avec la mouche. C’est curieux comme la voiture
tue les jambes, j’aurais pas cru. J’ai roulé dans des montagnes et des vallées
et je suis fatigué des jambes. C’est curieux, c’est curieux. J’ai des livres.
Des livres que j’ai emportés de Paris. Trésors à prendre, de Violette Leduc, offert par Olivier. C’est un
récit de voyage, ça ressemble bien au mien. C’est en France, au petit bonheur
la chance. Je le lis au hasard, c’est aussi bien, il n’y a pas de progression
de toute façon. Just Kids aussi,
je le lis au hasard (on connaît l’histoire). J’inaugure une nouvelle façon de
lire : n’importe comment. C’est aussi bien. C’est-à-dire que j’ai la
« Bible », je veux dire Dialogues avec l’ange, alors, après ça, c’est sûr, qu’est-ce que vous
pouvez bien lire ? Eh, bien, n’importe quoi, au hasard, au petit bonheur
la chance, du moment que l’essentiel, vous l’avez, vous l’avez à votre portée,
vous pouvez vous délasser avec l’air et la lumière, la lecture de n’importe
quoi. Si cette mouche pouvait se calmer, peut-être… C’est ça, l’inconvénient des
fermes-auberges : il y a des mouches ! Je t’aime, j’ai envie de dire,
mais je sais que c’est pour finir la ligne, rien de sérieux. Finir la ligne,
voilà le plus sérieux. Mais je vais lire. Bye-bye.
Violette
Leduc, on dirait qu’elle a la maladie d’écrire. Elle insiste beaucoup
là-dessus. En fait, je ne suis pas sûr qu’elle dise autre chose. Elle écrit et
elle dit ça : qu’elle est malade d’écrire, qu’elle est névrosée. C’est
vrai qu’elle ressemble à tellement de femmes névrosées de l’écriture, Christine
Angot, Virginie Despentes… Elles sont
névrosées, elles écrivent, elle disent : nous sommes folles – ou, à
chaque fois : je suis folle –, mais la société l’est plus encore. Tant que
la société le sera (plus folle que moi), j’écrirai. C’est pour ça qu’il vaut
mieux ne pas lire de A à Z ce qu’elles écrivent : ça n’a aucun sens.
« Pourquoi
la foi sommeille-t-elle au fond de la plupart des hommes ?
– Tout un réseau de routes bétonnées
parcourt
la terre en tout sens.
Elles
sont vastes, larges et lisses,
et
la folie les chevauche.
Il
y a beaucoup de voies, beaucoup.
Ne
sois pas étonnée,
si
l’homme a oublié la petite, l’étroite, la seule.
La
folie aspire toutes les forces. Qu’est-ce que la folie ?
LA
FORCE SACREE QUI LANGUIT EN PRISON.
Mais
il vous est donné de montrer la Voie. »
« LE
CORPS N’EST DONNE QUE POUR DONNER. »
C’est
incroyable comme les livres se ressemblent… Patti Smith « felt a pang
abandoning » la « struggling city, but there was no work for me
there ». Patti Smith truffe son texte de la misère, son texte de la
bohème, de noms merveilleux qui montrent que, sous la lutte, elle n’a rien
abandonné de la poésie, « the once-properous Walt Whitman Hotel »,
« I slipped a quater in the jukebox, played two sides by Nina
Simone », c’est comme ça tout du long. De toute façon, elle a les Illuminations, d’Arthur Rimbaud, avec elle. Elle est parée. La
différence entre Violette Leduc et Patti Smith, c’est que cette dernière aime
plutôt les garçons et Violette Leduc plutôt les filles (ce qu’il faut
comprendre pour s’y retrouver). Pour Olivier, tiens : « I walked into
the room. On a simple iron bed, a boy was sleeping. He was pale and slim with
masses of dark curls, lying bare-chested with strands of beads around his
neck. » C’est drôle, le coq qui chante sans fin depuis tout à
l’heure me rappelle une chambre à l’île Maurice, merveilleuse d’être
improbable. J’ai dormi la fenêtre ouverte et j’ai eu un peu froid, mais je suis
content d’avoir attrapé froid car il va faire si chaud dans la journée... Je me
suis réveillé dans la nuit pensant que c’était l’aube, mais c’était la lune qui
s’était levée et un mur blanc perpendiculaire à ma fenêtre envoyait dans la
chambre sa lumière intense (de nouveau monde). Le silence était total, même les
mouches avaient disparu. C’était l’hotel de rien, sans clé ni propriétaire.
L’hotel que je quitterai à regret. L’hotel de ma vie, de mon désespoir ignare
et dérisoire. Moi aussi, j’allais rencontrer Robert Mapplethorpe au coin de la
rue. Ou peut-être une folle à Albi qui va me parler de Toulouse-Lautrec.
« J’allais », « je vais », est-ce que je sais ? Nous
sommes ici ensemble, chers amis. (Avec les mouches et la saleté des cochons – qui
pour toujours me font penser à la pure Marlène Saldana dont le savoir me fascine : quand a-t-elle dû les observer aussi
bien ?)
Sur
la page Facebook que j’avais chargée hier avant que ça se décroche, il y a une
photo de Johnny Lebigot que j’ai eu tout loisir de regarder encore et encore.
C’est Johnny Lebigot qui dort. Lui aussi, quel regret de n’avoir pas pu lui
donner de plaisir ! C’est un beau garçon, je trouve toujours.
C’est-à-dire, comme je mets toujours la main dans la culotte de tout le monde
quand je m’ennuie (mais je m’ennuie moins, ces derniers temps), il s’est trouvé
que – c’est-à-dire, c’est l’exception qui confirme la règle – lui, à mon grand
regret, ça l’a excité, j’ai dû le ramener à la maison. Il faut dire qu’on était
à Avignon et qu’on était bourré, saoulé de bêtise aussi, à la sortie du
« bar du In ». Il y
avait ce fan – mais j’oublie son nom, il va m’en vouloir – est-ce que ce n’est
pas l’année dernière tout ça ? – à qui j’ai proposé, au point où j’en étais,
de se joindre à nous, ivre mort lui aussi. Ça n’a pas été, j’ai mis tout le
monde dehors au bout de dix minutes quand ça a été bien sûr – fiasco total – qu’on jouait Samuel Beckett, En attendant Godot. J'ai raccompagné Johnny au Délirium finir la nuit. Vincent Macaigne, pourtant au sommet de sa gloire sautait sur tout le monde plutôt fille : « Qui s'est qui veut coucher avec moi ? » « You're on earth. There's no cure
for that. »
Labels: voyage
1 Comments:
Si tu aimes vraiment Leduc, ce dont j'ai l'impression, après Trésors à prendre tu liras La folie en Tête...
Toujours névrosée elle se plaint beaucoup mais ça ne l'empêche pas de toucher au sublime...
Je t'embrasse, bonnes routes, O
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