Un acte contre-nature
Liliane Giraudon me redemande
d’écrire un livre. Mais il n’en est pas question ! Quelle horreur !
Ecrire un livre, ce serait, comme Sagan, pour avoir de l’argent. Sinon je ne
vois pas l’intérêt. Mais il est vrai que, la vitesse, la drogue, le jeu, j’ai
moins besoin d’argent que Françoise Sagan. Aller de châteaux en châteaux comme
un écrivain bohème à travers le monde pour écrire un livre, voilà comme je vois
ma vie. Mais pas à cause du livre, à cause des châteaux. Le mieux, c’est
Bernard Frank. Il paraît qu’il a fait croire à tous ses amis qu’il écrivait un
livre et il ne l’a jamais écrit. Le fameux livre français sur la période de l’Occupation.
Il a réussi comme ça à se faire entretenir toute sa vie. « Ecrire un livre
sur ses propres livres, quand on ne les a pas relus, c’est très amusant. »
C’est aussi une phrase qui pourrait m’aider. Mais, dans mon cas, ce
serait : « Faire un spectacle sur ses propres spectacles, quand on ne
les a pas revus, c’est très amusant. » De toute manière, tout cela
représenterait du travail, c’est ça le hic ! Faire des spectacles, pour
moi, n’a jamais représenté un travail. Mais écrire le serait. D’où les châteaux.
D’abord les châteaux ! Je me vois bien écrire un livre à l’hôtel des
Roches, à Piana, par exemple. Ou dans la demeure d’Emmanuel Picault dans le
Lubéron mexicain (comme il nomme cette région dont j’ai oublié le nom). Là,
d’accord. Je pourrais aussi écouter de la musique. L’acoustique est superbe.
Dans les deux cas. La maison vide sans porte et sans fenêtre du Mexique et la
conque de Piana, très romantique, un peu Wagner, quand même, pas trop longtemps
l’hôtel des Roches Rouges, quand même… Voyage, voyage… Ennui phénoménal de
l’écriture, ennui phénoménal de la lecture – par rapport à la présence de Bébé
dans mon lit, par exemple. Je sais que Françoise Sagan pense le contraire.
C’est pour ça que je ne suis pas un écrivain. Je viens de le lire. Elle dit que
les amours littéraires sont supérieurs à tous les autres. Elle dit. Elle le
dit. « Dans l’ordre des souvenirs, l’amour de la littérature a une grande
supériorité sur l’amour tout court, l’amour humain. (…) la littérature en
revanche offre à notre mémoire des coups de foudre autrement fracassants,
précis et définitifs. Je sais très bien où j’ai lu, où j’ai
découvert les grands livres de ma vie ; et les paysages extérieurs de ma
vie alors sont là, inextricablement liés à mes paysages internes qui sont généralement
ceux de l’adolescence. » Je ne suis pas sûr –
maintenant que je suis dans Sagan – qu’ECRIRE soit ce qu’en disait Duras. Il
est possible que ce soit : « qqch de farfelu, c’est
presque... c’est tout à fait puéril, d’une certaine manière. C’est à la fois
puéril, prétentieux, etc. Et alors, dès qu’on écrit quelques phrases, de
prétentieux, ça devient humiliant parce que c’est jamais ce qu’on voulait
écrire vraiment. »
Labels: livre
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