Appel manqué d’un inconnu

Ce soir, viennent des Américains. On dresse, dans la grande galerie, une immense table toute blanche comme chez la reine d’Angleterre. Un dîner. Ça a de la gueule. En plus, il fait beau. Tout brille déjà. Il fait de nouveau très beau. Cette saison paradoxale, octroyée. Il paraît qu’il fait très mauvais à Paris. Ici, non. Un peu de bruine yesterday qui a fait qu’Albi ressemblait à une ville écossaise. Mais de nouveau maintenant chaleur accablante. On ouvre toutes les portes et les châteaux. Ça sèche. Babeth m’a invité à déjeuner tout à l’heure. Une ratatouille extraordinaire dont elle m’a donné la recette. Quelques personnes. J’ai retenu quelques expressions. Deux, en fait, que j’ai notées : « franc comme un âne qui recule » et : « discret comme un notaire en fuite ». Voilà comment on parle, ici. J’ai noté aussi : « Appel manqué d’un inconnu » parce que ça pourrait être un titre de roman – Babeth se plaint que son téléphone ne sonne pas assez longtemps, qu’elle arrive le plus souvent trop tard. Pour le reste, pas sorti mon carnet. Par politesse et pour ne rien perdre de la vivacité du moment. Quelle chance de rencontrer ces gens ! Nous ne nous occupons de rien en commun – et pourtant nous nous aimons. On parle quoi ? Des chevaux, du rugby, du Portugal, du château, des Américains qui arrivent… Les Américains font un tour de France ; ils visitent et ils subventionnent. Le problème, c’est qu’ils veulent donner vingt-cinq milles euros, mais à condition qu’on en amène autant. Hors on ne les trouve pas. On a bien fait venir la préfète, l’autre jour, la nouvelle préfète (celle arrivée avec Hollande), « très pertinente, a dit Babeth, et très belle », mais bon… Les Américains immensément riches, ils logent cette nuit à Albi et, ce soir, tous avec leur chauffeur, c’est banquet-château. La table est dressée, c’est magnifique. Si je passe mon temps à raconter ma vie, je vais louper le bain, moi. Sorry, il fait trop chaud pour ne pas se baigner… Gens de Paris, n'avez-vous pas froid ?