Parabole
« Le « je » du
poème est celui d’un bourgeois qui raconte que, dans sa vie, il a connu un seul
poète et qu’il peut le décrire approximativement, sans être tout à fait sûr
qu’il s’agisse vraiment d’un poète. Il le décrit donc : c’était un homme
vêtu avec une dignité modeste, qui était connu de tous. Son habit était usé aux
coudes et aux extrémités du pantalon. Sa cape avait été luxueuse en d’autres
temps. Il parcourait la ville avec un chien à ses basques et en se promenant il
projetait sur les rues gorgées de soleil une ombre noire et haute. Il ne regardait
personne, mais tout le monde le regardait. Et bien qu’il ne regardât personne,
il semblait tout remarquer. Le bruit couru dans la ville que c’était lui qui
gouvernait réellement la cité et non le maire. Cela nous rappelle l’attitude de
Victor Hugo qui, en plein exil, se nommait lui-même « le témoin de
Dieu » et « le somnambule de l’océan ». Remarquons aussi que
Shakespeare parle des « espions de Dieu ».
De cet homme, on disait que
toutes les nuits il envoyait des rapports au roi – ici il faut comprendre que
le mot « roi » équivaut à « Dieu » – et qu’il menait chez
lui une vie somptueuse, avec des esclaves nues pour le servir et des toiles du
Titien aux murs. Mais le bourgeois le suivit une fois et il se rendit compte
que tout était faux : l’homme s’asseyait sur le seuil de sa maison, en
croisant ses jambes sur son chien. Sa maison était récente, il n’y habitait pas
depuis longtemps et il prenait ses repas avec sa gouvernante. Puis il jouait
aux cartes et se couchait avant minuit. Le bourgeois l’imagine ensuite à
l’heure de sa mort, il imagine les armées d’anges qui l’entourent et qui
l’amènent à Dieu, lui qui faisait métier d’observer les hommes. Il conclut par
ses mots : « Je n’ai jamais été capable d’écrire un vers, allons nous
amuser. » »
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