Thursday, December 27, 2012

Les Essais, les brouillons de la beauté



Je lis les récits d’Hervé Guibert à l’île d’Elbe dans le monastère de Santa Caterina. Ici, ça s’appelle Santa Catarina et ce n’est pas sans correspondance. Tout ce qu’écrit H.G., je pourrais le vivre.

Je dois dire qu’Alfredo est très sexy. On a trouvé nos marques, lui et moi : pas un mot. Il est presque invisible, inaudible, mais passe soudain presque timide, presque objet (sexuel) dans l’une des découpes créées par E.P., cette maison qui n’est que découpe d’espace, ni intérieur ni extérieur, mais seuil. Alfredo porte, depuis hier, un T-shirt très graphique, à manches longues, des bandes horizontales larges rouges et blanches, très propre. Depuis hier, c’est-à-dire comme je ne le connais que depuis hier : depuis toujours. Un uniforme.

C’est très étrange de penser dans cette maison que je vais rentrer en France... C’est très bien pour passer les derniers jours de l’année. L’éternité... C’est symbolique et ça a du sens. Ça va me permettre d’être heureux, je sens. Résolution pour l’année 2013 : être heureux. Qui m’aidera ? Qui m’aimera ? Je suis un grand corps encore souple, mais déjà abandonné à la mort. J’aurai traversé ce pays, la Terre, dans la lumière. Pour le moment, la « maison » est une création presque naturelle. Quelle est touchante, l’amitié d’Emmanuel !

En même temps, je me disais : c’est incroyable comme cette époque est lointaine, celle d’Hervé. C’est peut-être ça, un écrivain : rendre les époques lointaines, définitivement.

Tout d’un coup le paradis est devenu « fastidieux ». De fastueux à fastidieux : laborieux. Des ouvriers sont venus pour apporter des pierres, de gros moellons de roche volcanique qu’ils ont jetées près de la piscine. Alfredo en a profité pour arroser (le bruit du tourniquet), puis pour continuer les travaux qu’il faisait déjà hier dans les chiottes. Mon temps était fini, mon royaume, ma domination, ma magie. Time pour changer d’activité. Par ex, de la lecture passer à la nage / marche. Ou alors aller à Yaute ? Mais le visage que cette statue précolombienne... une seule tête posée à même le sol — il faudra que je redemande à Emmanuel, c’est une civilisation très ancienne, antérieure aux Aztèques (ces derniers arrivants) —... me regarde et me dit : « Sois heureux, tu l’es, regarde, je suis la pierre, quoi que tu fasses, regarde, je suis la pierre de Toto, la pierre de la tautologie, ce qui existe existe et ce qui est est et n’est pas ce qui n’est pas et est aussi « ce qui existe maintenant » (Parménide, huitième fragment).

Aujourd’hui, j’ai dit une phrase à Alfredo, il a compris tout de suite : « Voy a pasear. » Je l’avais trouvée sur internet. 

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