Friday, March 01, 2013

Respirer



Je suis dans le calme, je suis dans l’après-midi, je suis dans le gris. Je lis, sans, pour une fois, m’abimer les yeux, des articles en petit sur le site de « Libération » et ça m’intéresse. Aujourd’hui réconciliation (physique) avec Felix. Ça m’a fait du bien. Ça calme. Retour-arrière. Noël. Ralentissement. La vie devient plus claire, plus lisible. Petite chose, ce Felix, petit bonheur, vaste comme le monde. Réel avec le monde. Se baladant dans le monde. Les mondes. Les trajets. Les dangers. Les réalités. Il joue en Inde, au Japon. Qu’est-ce qu’il joue ? Il joue. Il faut que j’écrive, il faut que je raconte, même de la petite fenêtre qui s’ouvre sur mon monde. Il faut que je témoigne. Même pour personne, même pour moi. « Tout voir, du moindre motif d’une robe à l’immensité du paysage. Et se dire à tout instant : tu peux faire mieux. (...) En fait, l’auteur d’un film devrait rester anonyme. Quand j’étais jeune et que j’allais voir un western, je n’allais pas voir un film de John Ford, j’allais voir John Wayne qui s’avançait vers moi à cheval. »



Une voiture me dépose aux Bouffes du Nord et donc, voilà, me voilà encore au bar du théâtre avec les acteurs de ce merveilleux spectacle que j’ai reconnu comme mien. Je discute avec cet acteur si intelligent, Vladislav Calard, il dit qu’il a travaillé sur l’air, sur épaissir l’air au moment du « jeu du raisin » (l’un des grains de la grappe de raisin est empoisonné). C’est une excellente idée de travailler sur l’air — c’est ce qu’il y a de mieux à faire. Je repense au solo de Laurent Chétouane pour Mikael Marklund à Avignon, immense et — fait que d’air. Laurent terminait son texte de présentation en disant : « Avec une belle inconnue : demain, à ne pas abandonner. » Parlé aussi avec Judith Chemla, la Callas de ce spectacle. Elle sait qui je suis maintenant, elle se souvient que je lui avait proposé du travail, la saison dernière, après l’avoir vue chez Martial Di Fonzo Bo, et on plaisante, elle habitait dans le quartier à une époque, etc. Mais — mais — il ne sera pas question que je lui dise tu (et elle non plus ne me tutoie pas), ça, non ! C’est peut-être elle, la comédienne à laquelle je dirais vous, c’est peut-être elle ! (comme Claude Régy disait vous à Delphine Seyrig).



Stanislas Nordey m’envoie 2 poèmes d’amour d’Anja Hilling. C’est magnifique. 2 textes magnifiques. Dernier déménagement (Der letzte umzug) et Tu es invention (Wosh). Ça m’émeut, en tout cas, vraiment. Je ne sais pas pourquoi, un ami qui n’a pas aimé Tristesse animal noir veut à tout prix que je dise que c’est nul — alors que, moi, ça me bouleverse. J’ai quand même le droit d’être bouleversé ! Et je me fiche de savoir si c’est une « vraie » ou une « fausse » écriture, moi, ça me bouleverse ! Et je le dis.

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