Dioscorea elephantipes
Théodora fait des crises. Il est allé voir Romain pour se plaindre que je le harcèle sexuellement. Pauvre gosse. Et puis il était pas content que je mette sa plus belle lettre sur mon blog — celle juste après que je sois venu à Rome : ah, il était amoureux à l’époque ! « J’ai envie que vous lisiez ce que je fais, de vous donner, à vous, des écrits frais, nouveaux, de frais désespoir, ceux de ma vie de maintenant. Le reste, les choses qui traînent dans les armoires bleues de ma chambre, de toute façon elles seront publiées un jour, soit après ma mort, soit avant, si une fois, de nouveau, je manque d’argent. » J’ai de nouveaux voisins. Manuel et Simon. Manuel m’a répété trois ou quatre fois dans la soirée — parce qu’il avait pris un truc qui le faisait ressembler à son personnage de légionnaire dans Mon képi blanc — qu’il n’avait pas « osé » m’inviter. C’est Thomas qui l’a fait — pauvre Thomas souffrant, il s’est séparé d’avec Benjamin avec qui il était depuis 5 ans. Là, ça fait 3 jours. Mais tous les garçons s’appelaient Benjamin dans cette fête. Curieusement. J’en ai rencontré un qui était plus gentil que les autres (moins pédé, quoi), un ami de François, qui m’a dit tout de suite que lui, oui, il pensait qu’il savait sucer, mais que ça le faisait rire. Ça le faisait rire parce que, quand il le faisait, il pensait à sa copine en train de lui faire. Il s’imaginait à la place de sa copine. C’est vrai que tout ça était réjouissant. Il m’a dit aussi que, plus il buvait, moins il savait sucer (pensait-il). J’ai cru un instant que c’était une stratégie pour me repousser, mais, non, ce type était juste sincère. De plus, il avait l’accent des gens de mon pays. Ça me semblait un bon signe qui me rassurait peut-être sur l’intérêt qu’il pouvait me trouver : peut-être que je lui rappelais son village. Je le perdais plusieurs fois dans la soirée — en l’oubliant instantanément —, mais, au bout d’un moment, il me manquait qqch — ou qq’un — dans cette soirée — sans savoir que c’était lui puisque je l’avais oublié, sans savoir donc que c’était si facile de le retrouver, lui qui me manquait, parce qu’il était là, juste là, heureux de me retrouver, absolument bienheureux, parfois à la fenêtre à regarder la rue : « J’aime bien regarder par les fenêtres », me disait-il, et ça valait les secrets d’atelier de cette petite pute de Théodora ! (Bon, on parlera de Théodora une autre fois.) Les 2 filles autour desquelles il tournait, Benjamin, Marie et Emilie, m’ont donné une veste merveilleuse en sequins : c’est vrai qu’elle m’allait bien ! Dans la journée, j’avais été sur le site d’Yves Saint Laurent et je pleurais un peu de me plus pouvoir m’acheter des vêtements dignes de ma classe — les merveilles d’Hedi Slimane — et, en particulier, justement une veste comme de femme toute brodée de sequins qui était, de toute façon, même si j’avais eu l’argent pour des choses plus ordinaires (un foulard, une écharpe) inabordable. Tiens, si je m’étais renseigné sur le prix, j’aurais pu vous le dire — documentation ! documentation ! — mais de toute façon inabordable. Eh bien, cette veste, je la retrouvais ce soir et on me la donnait ! Les filles trouvaient que ça m’allait très bien, que, cette veste, c’était à moi qu’elle allait le mieux. Bref, je me suis pris une veste. Marie semblait, pour Benjamin, inabordable parce qu’il y avait dans la fête encore un copain de son mec : c’était pas possible de se mettre à l’embrasser. Donc il semblait naviguer en direction d’Emilie. « Elles ont toutes les 2 envie de se faire baiser », me disait-il. J’admirais son expertise. J’admirais qu’il ne perde pas le nord, tout en ne jamais me décourageant. Par ex, en partant, je lui disais qqch comme « Et puis, quand tu seras sans copine, pense que j’aurai plaisir à m’occuper de toi » et il répondait : « Mais je suis sans copine... » Néanmoins je rentrais, je ne sais pas pourquoi. Sans doute parce que je voulais qu’au moins l’une des 2 de mes bienfaitrices soit baisée. Les filles du bonheur. Aurais-je pu faire partie du lot ? Je veux dire : à 4 ? Oui, sans doute, mais j’ai une image de moi si dégradée, je ne sais pas pourquoi, je ne suis qu’une plainte. C’est ce que je me disais en rentrant, en survolant les voies ferrées : pourquoi cette plainte incessante, quelle fatigue tu trimballes ! quelle est-elle ? Quel est ce manque incommensurable et criant, béant, que je trimballe en ce moment ? Je lis Alfred de Musset. Ça explique ?
0 Comments:
Post a Comment
<< Home