Tuesday, June 04, 2013

L’Art comptant pour rien



Apparition

C’est une initiative poétique, très légère ; si elle ne l’est pas, elle ne peut pas fonctionner. Il faut que ce soit léger comme l’air, spirituel. C’est juste montrer que dans l’envahissement de la ville du mois de juillet où tout se loue à prix élevé, il y a encore comme une vie fantomale autre derrière une écorce, à peine une écorce, une pellicule de protection quasi invisible ; enfin, que qqch est possible avec rien (mais avec splendeur). L'essentiel. Il s’agirait que quelqu’un accepte que je soulève un pan du voile pour m’y glisser juste avec 10 personnes — mais sans déranger, sinon la magie disparaît — peut-être 2 fois par jour s’il y a de la demande —, sans que rien ne soit bougé du décor et de l’atmosphère, c’est-à-dire : comme si cela n’avait pas lieu. C'est donc l'histoire (atmosphérique) d'un lieu intouché, non exploité, privé. C’est une utopie, mais le théâtre, pour moi qui en rêve toutes les nuits, est de cet ordre : intemporel et évanescent.  Je pense à une lecture d’Alfred de Musset, La Confession d’un enfant du siècle, le célèbre deuxième chapitre qui dure 3/4 d’heure. Il faudrait, pour cela, un grand luxe, mais un luxe ancien, pas moderne, salon ou chambre d’un appartement noble, hôtel particulier. Idéalement, il faudrait que je puisse loger sur place (la première idée avait été une chambre d’hôtel à la Mirande). Il faudrait que ce soit intra muros, au cœur, et « irréel », une atmosphère, le lieu agissant comme décor et le décor agissant seul (« Rien n'aura eu lieu que le lieu »). Dans le « Journal du Off », célèbre publication à paraître, il est déjà indiqué la durée du festival (du 8 au 31), mais ça pourrait être sur 10 jours ou une semaine car cela pourrait avoir lieu dans des lieux différents (2 ou 3, voire jusqu’à 5). La publicité — dans l’idéal — devrait être à la fois grande et invisible car le nombre de spectateurs sera volontairement réduit. Happy few. Idéalement, tout le monde devrait entendre parler de cette performance et personne ou presque de la voir (comme souvent d'ailleurs les meilleurs spectacles à Avignon qui ne se jouent que 3 jours ou en jauge très réduite). Une légende, une rêverie, une apparition-disparition (mon association ne s’appelle-t-elle pas Le Dispariteur ?) C’est la figure du poète errant, du vagabond. Le vagabondage comme expérience de la liberté. Etre présent (partout), mais absent (poétiquement). « La liberté, c’est épouvantable, j’entends tout d’un coup à la radio, parce qu’il faut l’inventer jour par jour. » Un accueil, à l’endroit où normalement il n’y a pas d’accueil — et garder ce caractère intouchable, comme je l’ai dit — néanmoins un accueil, une confiance, on ne sait pas pourquoi, confiance, mécénat, protection « religieuse » du poète et de ses disciples (en cette époque). J’ai un budget relatif pour le coût de cette expérience (mais budget). Le public ne paye pas — car on le considère et on lui demande de se considérer comme un ami —, l'artiste n'est pas payé — un ami lui aussi, qui d’autre ? — et il est même question d'offrir rafraîchissements et champagne, comme à mon habitude. Recevoir, comme on dit. Rien. Du tout —

Yves-Noël Genod

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