Monday, August 26, 2013

S ouvenirs de vacances



Avec quel amour étais-je parti au château de Versailles, avec quelle vitre
L’invraisemblable beauté des rivières corses — et des nuits corses ; pour le reste : l’écrasement du soleil

Une fois dans cette dernière page sur l’état de l’apparition où Marguerite réveille Yann en pleine nuit pour lui dire des trucs (ce qu’elle faisait souvent), un mot avait sauté dans l’une des dactylographies, le mot « peu » et Claude Régy l’avait fait remarquer. C’est une suite de « pas assez » ou de « trop peu » (d’écrire comme ci, d’écrire comme ça) et, à un moment, dans la liste, il y a simplement : « c’était trop d’écrire… » et Marguerite avait dit que c’était pareil, « trop »« trop peu », et elle n’avait pas rectifié.
Marguerite est l’une des 2 personnes les plus intelligentes que j’aie rencontrée de ma vie. L’autre est François Tanguy. Claude Régy ? Non, Claude Régy, il s’« occupe de choses intelligentes ». Claude, c’est plus une puissance, un instinct (il le dit lui-même). J’aimerais bien fréquenter encore une personne intelligente, je ne sais pas si c’est possible… c’est un tel plaisir ! La vie devient une telle partie de plaisir. Ce n’est pas que les personnes intelligentes ne disent jamais de conneries, mais elles peuvent s’amender. François Tanguy était très homophobe. Chaque jour, à table, une réflexion sur les pédés, c’était gênant. Et puis, en tournée, où tous ces jeunes coqs baisaient comme des rock stars, j’étais censé, moi, me taper des mecs (if only…), c’était gênant. Et puis un jour, ça a été fini, à la seconde, les allusions de Tanguy à l’égard de ma soi-disant homosexualité. Parce qu’il était littéralement tombé amoureux, à Montréal, d’un jeune bûcheron de 18 ans, avec un accent à couper au couteau, mais qui n’aurait pas déparé la couverture de « Têtu ». Il ne le quittait pas d’une semelle. Il avait fallu louer un petit car (pour la troupe entière) pour aller le voir dans sa forêt pleine de moustiques. Et puis, en partant, vers la route de l’aéroport, comme nous étions tous tristes et au bord de pleurer (de quitter ce séjour merveilleux), je lui avais dit : « Mais, toi, tu vas revenir, tu as un ami, maintenant… » Il avait compris instantanément, il avait dû réaliser à la seconde qu’il avait désiré comme une bête ce garçon, il est vrai, surgi de l’Olympe — ou d’un livre de Pierre Guyotat. Et ç’avait été fini pour toujours, les allusions salaces de François Tanguy à mon égard. Il est rare que je parle ici de François Tanguy — pourquoi pas ? Nous ne parlions jamais. Pendant 7 ans, nous ne nous sommes pas parlés. Mes centres d’intérêts étaient si différents des siens ! Mais nous travaillions bien ensemble. Quel bonheur ! Parfois, j’en pleurais (rentré chez moi) et il suffisait d’un demi-mot prononcé à mi-voix pour que tout bascule dans le travail : il était d’une sensibilité extrême — et l’est toujours.
C’est un artiste extraordinaire, inouï, c’est drôle, je n’en parle jamais.

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