L a même que Marie
J’ouvre un livre au hasard.
Hamlet, traduit par Jean
Malaplate. Mes yeux, mes yeux ! Un avion passe dans le ciel. C’est
invisible. Mais sonore. Ainsi, je n’invente rien. Hier soir, j’allais
dire : « hier soir », j’étais chez Jeanne et Bertrand.
C’est une maison à Vitry — ou à Villejuif — avec, je ne l’avais pas constaté
quand j’étais venu en hiver (je veux dire : il y a si longtemps), un
immense jardin d’été. Je vais aller à Vidéosphère et emprunter des dvds de
Tarkowski, qu’est-ce que je peux faire de mieux ? Le Miroir. Le Sacrifice. Qu’est-ce que nous allons jouer le 6 septembre ? Qu’est-ce que
nous allons ne pas jouer ?
Jeanne et Bertrand ont eu une idée, hier soir — nous étions dans le jardin,
bougies, lumière des téléphones portables, le froid et le chaud, le blême et
l’amour, une assiette de haricots du jardin —, cette idée, c’est de changer les
textes des airs d’opéra : ils peuvent changer les textes, alors quels
textes ? du Nerval ? voulez-vous faire un essai ? Alors, dans le
jardin… d’une voix miniature pour ne pas déranger les voisins inconnus,
endormis : Bertrand, le premier, a chanté : « Je suis la même que Marie, la même que ta mère, la
même que sous toutes les formes tu as toujours aimée », une phrase que
j’avais recopiée du métro en venant.
Et maintenant dans Hamlet… J’imagine, en me réveillant, un dialogue
parlé/chanté avec Jeanne et Simon. Simon dit : « Eh bien mère, qui y
a-t-il ? » et Jeanne répond : « Hamlet, Hamlet,
tu as fort offensé ton père. » Simon : « Ma mère, vous avez fort
offensé mon père. » La Reine : « Allons, vous répondez d’une
langue futile ! » (« idle tongue »), Hamlet :
« Allez, vous demandez d’une langue perverse. » En anglais, c’est
mieux : « Go, go, you question with a wicked tongue. »
Incroyablement mieux, même. On peut peut-être le faire en anglais. Simon
peut-il ? « Que signifie, Hamlet… », « Bon, de quoi
s’agit-il ? » : tout en miroir, comme ça. « Why how now
Hamlet ? — What’s the matter now ? » « Vous oubliez, je
crois, qui je suis. — Non, parbleu ! Reine et femme aussi du frère de
votre époux, / Et, malheureusement aussi pour moi, ma mère. — Bien, je m’en vais quérir qui saura
vous parler. — Allons, asseyez-vous, ne bougez point d’ici ! / Vous ne
partirez pas que je n’aie devant vous / Mis un miroir pour voir jusqu’au fond
de votre âme. — Que veux-tu faire ? Eh quoi ! vas-tu
m’assassiner ? Au secours ! Au secours ! » Tout est
extraordinaire. On dit Nerval, mais c’est Shakespeare qui vient. Tout se tient,
et bien sûr, mais qui fera l’unité ? Je voudrais un alter ego, je voudrais
un dramaturge… J’écrivais ceci dans mon carnet, je ne sais plus quand, dans le
métro, hier au soir : « il me faut maintenant me tourner vers mes
protecteurs… « Je suis la même que Marie, la même que ta mère, la même que
sous toutes les formes tu as toujours aimée » ». Et j’écrivais
encore : « J’aimerais rencontrer un alter ego qui soit + intelligent
que moi. Ce que je fais est trop complexe. Un dramaturge. (J’avais déjà lancé
un appel dans ce sens et je n’avais pas répondu aux propositions, sorry…) J’ai
trouvé cet alter ego souvent chez des éclairagistes, vidéastes, son, photographes,
scénographe peut-être, souvent chez les journalistes, toujours chez les acteurs,
mais je ne l’ai jamais trouvé — ou bien je l’ai perdu — dans ce domaine :
la dramaturgie. Savoir sur quoi l’on travaille. Solidifier la
maison, les fondations. Je sais sur quoi je travaille, mais c’est plus léger
que l’air. »
Labels: bouffes
0 Comments:
Post a Comment
<< Home