Les Poètes
Catherine Travelletti
Toi Yves-Noël, Toi le
GRAND, Toi le BEAU... J'étais si triste que le cloître te soit resté fermé. Fâchée
aussi de la frigidité carmélite. Ainsi fut-il. Soit.
Le salon, par contre, lui,
était chaleureux, accueillant. Et puis
la voix JUSTE, la parole TROUBLANTE, littéralement GRANDIOSE.
Je me suis éloignée
volontairement du FRANÇAIS, par trop de masturbation d'ego, trop d'érections
déclamatoires, trop d'éjaculations sonores d'amour-propre. Dans leur bouche
comme devant leur miroir. Je trairais les vaches plutôt que de lécher leur
théâtre... Pourtant, c'est vrai
que la LANGUE, elle, eh bien, oui, elle, je l'aime, elle est mienne, elle me
manque, ce travail me manque. Puis, toi, juste toi, tu as RACONTE, tu as lu, tu
l'as fait entendre, tu me l'as fait réentendre, comme si qqch s'était réactivé
en moi. Tu la baisais avec simplicité, avec virtuosité, là, juste devant moi.
Tu la prenais dans tous les sens, toi, juste toi, là, dans ce salon, à ce
moment précis où ça s'ouvre... mon squelette a littéralement vibré.
Je me suis éloignée
volontairement, comme je disais plus haut, de la langue. Par contre, à cet instant
précis, quand ça s'ouvre à cet état de présence, à cet état de conscience, à
ça... — oui, oui, je me donne ! Je lui donne ma bouche, je lui donne mon corps, je
donne ma voix, je lui ouvre chaque entrée. Du moins j'essaye, je trébuche, je
tombe, je me relève, chaque fois, je me relève, puis je continue, je grandis.
Chaque soir, je danse. J'essaie de me faire baiser par cet état-là. Parfois,
c'est moi qui le baise.
MAIS, mais LES poètes,
putain les poètes... ILS me MANQUENT. Je me suis éloignée. Là, je veux revenir aux poètes... Je REVIENS aux poètes.
MERCI.
Voilà, ceci pour te dire
que j'aimerais profondément participer au stage qui aura lieu à Paris entre les
14 et 25 octobre. Mon planning n'est pas encore définitif, mais je sais que la compagnie rentrera de Chine le 13 octobre (après une tournée chez les voleurs
d'ivoire). Je pense que nous ne reprendrons pas le travail avant le 21, ce qui
reste à confirmer. Le 21, pas le 25. Si tu veux bien de moi, je serai très
heureuse de travailler à tes côtés.
Je t'embrasse fort
Labels: correspondance
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