M euh non, je ne vous surestime pas...
Yves-Noël Genod
Les Inaccoutumés. Ajout au
projet
12 nov.-14 nov. 2013
Paris 11e. Ménagerie de verre
Spectacle monté au pied levé,
Un petit peu de Zelda se nourrit de l'air du temps comme du matériel que
le spectateur voudra y apporter en une succession de déambulations où
s'exposent des supports à rêveries. Cela peut donner le meilleur comme le pire,
selon l'état d'âme ou de corps dans lequel on se trouve avant la
représentation.
Comme l'explique Yves-Noël
Genod en prélude, le spectacle a lieu avant et après la représentation et « c'est
le spectacle de votre vie ». Plongée dans une telle caisse de résonance, la
représentation — qui n'est sans doute jamais la même chaque soir — se teintera
de votre propre histoire, car d'histoire il n'y en a pas. Demeurent le plateau
atypique de la Ménagerie de verre, son plafond bas, son béton immaculé, son
festival dédié aux « Inaccoutumés », 7 interprètes pour le salut final, 24
projecteurs posés au sol comme des piliers, ou des arbres, ou des pierres
tombales… et l'on divaguera ensuite autant que l'on veut à partir de cette
scénographie sans artifice, qui sublime le travail d'éclairage conçu comme une
autre présence.
Différentes formes de
présences justement composent la proposition. Les interprètes qui chantent,
dansent, déclament ou simplement existent sur scène avec une beauté
renversante, mais aussi les exclus qui vous accueillent avant et après la
représentation et qui ne viendront pas saluer sur scène. Ainsi dans la rue une
femme faussement mendiante, faussement Rom et faussement enceinte, alpague les
arrivants et quémande de quoi manger puis une cigarette… en montrant l'oreiller
qui désigne à la fois le factice et l'horreur de la situation jouée. Le
mensonge est gros, et l'on se surprend à observer sa propre esquive, le numéro
que l'on ressert régulièrement, avec ou sans conviction, quand on n'a
décidément pas envie de lâcher le contenu de son portefeuille. Alors après,
agacé et conscient que le spectacle a déjà débuté, est-on toujours disposé à
l'accueillir dans la grâce ?
Dans le hall, deux hommes
cette fois, comme des extrêmes, perturbent l'attente et l'arrivée du public.
Noir et nu, grelottant sous son presque linceul blanc dans un complet
dénuement, le premier erre sans rien demander du tout, mais cherche le regard,
gênant. En armure rutilante, l'autre, le chevalier bien blanc et bruyant
s'adresse, sous son heaume, au spectateur, lui barre l'entrée de la salle avant
de lui attribuer un numéro sans aucune utilité. On les retrouve plus tard, à la
sortie, mais l'armure s'est muée en trompette et peu importe qui se trouvait en
dessous.
Il y aurait une tension entre
le faux, le vrai, ce qui se joue ou pas.
Deux enfants, à trois
reprises, se chamaillent sur la véracité de leur jeu, sur ce qui est vivant ou
non, et provoquent une respiration bienheureuse dans la frise des corps
adultes. Plus tard, un bambin semble extirper sa mère de ses poses et postures
en imposant des premiers pas assurés. Il adresse un signe de la main au public
qui sort alors de cette causerie / rêverie où nous ont plongé
dans le noir les vers de Baudelaire, où se mêlent des simulacres de Nico,
Pessoa, Forsythe, Frida Kalho… Ce ne sont jamais tout à fait eux, et le ton
amer et parfois triste de cette collection d'automne nous les rend d'autant
plus précieux. Le regard scrute ces bribes d'histoires, se réfléchit sur la
surface des figures et silhouettes que le vide pare d'une grande puissance
évocatrice.
Amusant de se dire
qu'Yves-Noël Genod se substitue à Jérôme Bel pour l'ouverture du festival, lui
qui dans certaines pièces obligeait le spectateur à interroger le dispositif
spectatoriel quitte à le bousculer. Yves-Noël Genod semble répondre à cette
problématique par une confiance absolu en notre capacité de créer le spectacle
avec lui. Et s'il nous avait surestimés ?
Labels: zelda ménagerie
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