Wednesday, December 25, 2013

P atrice Chéreau


Patrice Chéreau est un mystère. Des amis à moi, très proches, l’aiment beaucoup. Et, moi aussi, je l’aime beaucoup. Mais je ne sais pas d’où ça vient. L’image qu’il laisse de lui est une réussite absolue. Et Jorge Luis Borges disait que, peut-être plus important que l’œuvre écrite, c’est l’image que les écrivains laissent dans le public qui est leur meilleure création. On l’aime pour son intelligence (mais l’était-il tant que ça ? malin…) ; on l’aime pour son amour et son acceptation du monde tel qu’il est (c’est vrai, tandis que, moi, je suis toujours à me plaindre — je suis de l’école de Tanguy, de Régy, lui, non, de l’école du fric) ; on l’aime pour ses amitiés, sa disponibilité, son statut aussi, de « saltimbanque respecté », sa capacité de travail aussi (mais… il avoue qu’il choisit de monter une pièce sans même l’avoir lue en entier…) Bref, il est parfait jusqu’au bout, jeune et sexy comme une star. Mais je ne voyais plus ses spectacles qui ne m’ont jamais vraiment emballé, qui ne m’ont pas « changé la vie », pas à moi, non. Ses films non plus, je ne les voyais plus, trop de déceptions. Alors j’ai loupé certains des meilleurs, certainement. Je n’ai pas vu La Dispute, évidemment. Si, il y a une chose que j’ai aimée, c’est Intimity que j’ai vu à Londres. C’était aussi mal joué que le reste, mais c’était en anglais et les scènes de sexe, dans mon souvenir, sont très fortes, très belles. Comme acteur aussi, je l’aimais bien (toujours ce « capital sympathie ») — ou lecteur de Dostoïevski… Tout le monde en dit du bien, c’était déjà le cas avant sa mort, mais ça ne l’est pas moins depuis. Là, dans ce TGV de Noël (je suis en première, je me suis fait avoir à la réservation ou alors il n’y avait plus de seconde...), je lis Romain Duris qui dit aussi que Chéreau lui a tellement appris. Tout appris. Son intelligence, sa sensibilité, son écoute… je n’oublierai jamais… « Chéreau était capable d’écouter une heure et demie de monologue et de relever un mot au milieu : « Ce mot-là, tu ne l’as pas savouré, disait-il. Et il avait raison. » Le grand homme ! Chéreau ? Le mystère demeure, pour moi. Pourquoi ce crétin (d’après Duris) a-t-il ce statut d’idole, la gloire, la joie de la réussite, peut-être, je ne sais pas, la simplicité de ça, de plaire, d’avoir su plaire — et traverser les époques comme en ayant conscience du surplomb de la vie... Même Marguerite Duras, je me souviens, n’aimait pas ce qu’il faisait, mais l’aimait, lui. C’est comme ça...

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