T he Universal Love
Il y a un spectacle d’une
rare intensité, en ce moment, aux Bouffes du Nord. Je ne saurai pas vous en
parler car ce n’est pas « mon truc », comme on dit. Par ex, quand Eszter Salamon, à
Paris ce week-end (oui, l’immense Eszter Salamon), m’a demandé tout à l’heure
de la conseiller pour sortir, je n’ai pas osé lui en parler. Néanmoins, ce
spectacle — que j’ai apprécié — ne me quitte pas. Il fait son chemin, il
m’habite, il me parle, il reste vivant, il est mon œuvre, en un sens, il
grandit dans ma conscience. Ce n’est pas « mon truc » parce qu’il a
un sujet. Quand je suis entré, je ne savais rien, à peine le titre, Mon
traitre, je venais pour renouer avec
les Bouffes du Nord, ce théâtre qui est le seul, en un sens, à porter le mot
« théâtre ». Je vis des histoires d’amour
torrides avec des garçons délicats et masculins qui ne répondent pas à mes
attentes. Je joue à ça. (C’est un jeu, mais cela occupe mon temps.) Il y a une
formule sur laquelle je m’appuie, c’est : « Fuis-moi, je te suis ; suis-moi, je te fuis ». J’applique avec acharnement cette chimie. Par ex,
quand Bel-Ami m’écrit — non, plutôt, quand j’écris à Bel-Ami — non, je voulais vous donner un ex, mais ça n’a pas de
sens — c’est qu’il est très délicat,
Bel-Ami, avec moi (et que je suis bien gaga, aussi, sans doute). Oui, il est mignon.
(Non, ce n’est pas possible, je garde ça pour moi.) Où serait la magie, où serait le rêve, si
je recueillais ici nos échanges — et Roland Barthes en a tellement parlé — ou
Jack Spicer… « Les Valentines inutiles / Sont mieux / Que toutes les
autres. » En règle générale, rêveur
dans la société de consommation, je ne m’intéresse pas à la fiction, mais à la
poésie. Par ex : vivre dans le luxe quand on est pauvre. Ceci dit, la
poésie était présente dans ce spectacle poignant. Par ex :
« L’Irlande du Nord avait disparue des informations ». Je n’ai jamais vu, aux Bouffes,
que des spectacles très réussis ou alors très ratés. Ce qui fait les spectacles
réussis, aux Bouffes, c’est qu’ils sont fabriqués de murs ou de songes (ce sont la même chose), fabriqués d’une matière qui est les murs contenant les songes.
Ainsi, il devrait être positivement interdit de nommer « spectacle »
qqch qui se joue dans un lieu animé d’une ou plusieurs « sorties de
secours » : publicité mensongère. Est-ce qu’il y a une sortie de
secours dans la caisse de votre cerveau ? Ce spectacle qui n’est
pas « mon truc » voyage somptueusement au-delà de mes jours et de mes
nuits, il rapproche et éloigne le réel, il l'emberlificote de richesses, et l’Irlande et la guerre, et l'humanité. Il est magique car il est
fait de la matière des murs et des songes des Bouffes.
Labels: paris
0 Comments:
Post a Comment
<< Home