Monday, April 21, 2014

L a Vie privée (d'Olivier Steiner)


Ce post pourrait s'appeler « Charité bien ordonnée commence par soi-même », il pourrait avoir pour sous-titre « L'arroseur arrosé »... Connaissez-vous Le Dispariteur ? Il s'agit de mon blog préféré, celui d'Yves-Noël Genod. J'avais deux autres blogs préférés : Le Bleu du ciel, de Nicolas Clément et La Vie littérale, de Pierre Courcelle, mais ces derniers ont fermé, hélas... Bref, il ne me reste plus que Le Dispariteur et si je raconte tout ça en ce lundi de Pâques, c'est parce qu'Yves-Noël Genod a l'habitude de publier sur son blog presque tous les mails qu'il reçoit, il est au-delà de la pudeur, Yvno, je veux dire qu'il en est par-delà, Dieu soit loué, amen & tutti quanti.... où veux-je en venir ? Un ami vient de me dire qu'il était désolé pour le « silence autour de mon livre »... Silence relatif... certes il y a eu « Les Inrockuptibles », et il y aura « Le Magazine Littéraire » à ce qu'on m'a dit, mais à part ça... rien. Je me plains ? Non, je constate. Je n'ai pas la quantité. Mais j'ai la qualité. Par ex, ce mail que vient de m'envoyer Yves-Noël... Oui, il y a quelque chose d'indécent à publier des compliments faits pour soi-même et en privé, mais si je ne le fais pas, qui le fera ? (fuck la culpabilité judéo-chrétienne, et puis Yvno parle aussi et surtout de Marguerite, alors...)

« J’ai lu ton livre, Olivier, et je le trouve très fort, très rapide. Très bien « fait ». Comme une torpille. Ça atteint son but, ça reste. Cette maison du bord de mer, un paysage de fait-divers, je la vois, la maison — comme Marguerite Duras disait que quand elle avait vu la maison du « petit Grégory », elle avait crié, elle avait « vu » le drame. Après, je ne peux pas mentir : je ne l’ai pas vécu, ce livre. Mon plaisir a été de t’imaginer, toi, en train de l’écrire. Un compagnonnage. De te suivre à ça : toi, en train de l’écrire, de te démener avec la matière (de vie, c’est-à-dire aussi la matière de ta vie) que tu voulais dire, cette histoire du bord et des limites, de l’échappement à la vie, du devoir d’échapper à la vie par un biais ou par un autre, de mal y être, dans la vie, et pourtant de la lucidité — qu’on veut tuer. Je t’ai suivi avec un très, très grand plaisir à l’écriture de ce vouloir tout dire et j’ai laissé — qu’y puis-je ? — ce que je n’arrive pas à imaginer, comme cette affaire de vouloir être dominé ou de dominer — ou même, pour deux hommes, de vouloir baiser, en ce moment, j’ai du mal à en voir l’intérêt, mais ça ne concerne malheureusement que moi, ma faiblesse, ma paresse à l’imagination. Donc ça me fait comme quand Marguerite Duras avait voulu que je lise un texte qu’elle voulait réécrire (soi-disant rajouter un rôle pour moi, etc.), « Lis-le, tu me diras ce que tu en penses… », et auquel je n’avais rien compris (ça parlait des procès de Moscou). Alors, j’avais préparé un petit laïus, j’étais embêté, mais elle avait compris tout de suite. J’avais commencé : « Ça m’a beaucoup intéressé… — C’est pas assez ! Moi, ça me passionne, tu comprends ? », avait-elle hurlé — et puis elle s’était calmée quand, plus tard, ds ce restaurant de Montparnasse, comme elle voulait changer le titre qu’elle ne trouvait pas bon (Un homme est venu me voir, très mauvais, en effet), j’avais proposé : « Pour une fois que nous ne sommes pas morts ». « Génial ! », avait-elle hurlé de nouveau — sans que je n’aie jamais compris si elle avait reconnu une phrase qu’elle avait écrite dans la pièce (et qu’elle louait son propre génie) ou si, on ne sait jamais, elle pensait que c’était moi qui venais de l’inventer. Ou bien, le génie que j’avais, ç’avait peut-être été de lui suggérer le titre auquel elle n’avait pas encore pensé. Bref, j’avais une part de son génie. L’ambiguïté d’origine demeure. L’ambiguïté qui faisait tout le sel de notre relation. « Lorsque nous étions à même enseigne… », lui avais-je une fois écrit. Nous sommes aussi à même enseigne, Olivier, pour autant que je puisse m’approcher de cet endroit auquel nul peut-être nul n’approche : une maison de fait-divers… (c’est comme ça que je comprends le livre). Evidemment, comme le livre est fort, maintenant qu’il est lu, il reste intact et il restera — intact — longtemps encore ouvert à mon chevet à établir son œuvre, son établi, sa caisse à outil — pour dire quoi ? — ce que je voudrais qu’il dise lorsque, poison, je veux encore en boire.
Bisous, Yvno »

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