Monday, June 16, 2014

N ote d'intention

     
A Avignon, ce spectacle qui ne se jouera pas ou qui peut-être se jouera dans un festival fantôme, déserté — ou bruyant et déprimé — traitera d'un auteur sans doute l'un des plus difficile à traiter. Je reprends ce mot plutôt qu’« aborder ». Aborder, il est facile ; ses poèmes s'étudient très bien dans les écoles — c'est-à-dire se paraphrasent très bien —, ils ne sont pas obscurs comme le sont ceux de Stéphane Mallarmé ou d'Arthur Rimbaud ; non, ce qu'ils disent est affreusement clair ; non, ce qui est sans fin et d'une complexité irrémédiable, c'est la personnalité même de l'auteur. On peut dire aux enfants qu'il était malheureux, mais l'on n'aura rien expliqué aux adultes. D'ailleurs — explique-t-on le réel ? non, on ne l'explique pas. C'est le seul intérêt de s'être saisi d'un auteur aussi énigmatique : il nous rapproche du réel. Il s'agit d'un spectacle impossible ; on ne le représentera pas. Il se donnera dans le noir total. La présence même de l'acteur en sera même — peut-être — l'absence. Parler de la frigidité et en faire un spectacle de Noël, c'est absurde. Oui, nous le savons. Oui, je veux un spectacle dur pour le public, brutal. On ne peut pas parler de Charles Baudelaire aux enfants. Mais aux enfants proches de la mort, on peut : ceux-là même qui sont proches de la mort acceptent que remontent en eux les images profondes. La figure de Charles Baudelaire, bien sûr, s'apparente à celle de l'acteur. Être « une liberté-chose », explique Jean-Paul Sartre, « revendiquer comme son œuvre l’image que les autres ont de lui ». Charles Baudelaire parlait des Fleurs du mal comme d'un « misérable dictionnaire de mélancolie et de crime ».

YNG, 16 juin (première à Paris : 16 décembre)

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