Monday, July 07, 2014

1 er Avril, toujours (Ce cortège dont l'un des noms — c'est sûr, est le Théâtre)


Je rencontre beaucoup de gens à Avignon qui me parlen de 1er Avril, par ex, Nicolas Struve me dit qu'il avait l'impression (dans la première partie) de voir la « naissance du théâtre à l'œuvre », avec ces 2 chanteurs, ce couple, et « il reste le fils, déjà chargé de toutes les choses épuisantes »... Il m'envoie ensuite ce qu'il avait écrit sur son mur à l'époque et qui m'avait échappé, je crois... J'ai rencontré aussi un Olivier avec sa Chupa Chups qui me dit carrément que c'est ma présence qui lui avait fait prendre un abonnement aux Bouffes du Nord ; il travaille à la fondation Yves Saint Laurent, mais je lui dis que la fondation ne m'a pas donné de réponse à ma demande d'aide...

Nicolas Struve
1er Avril de Y. N. Genod
A travers noir et fumée, nous voyons (enfin, j'ai vu !) passer quelques millénaires (ce à quoi le théâtre des Bouffes du Nord est propice comme peu et ce à quoi Yves-Noël Genod est sensible et dont il est, comme peu, capable) Nous assistons, à travers l'étreinte de deux corps chantant, émerveillés, à la naissance du théâtre, enfin produit par ce qui nous importe : les profondeurs des désirs et des besoins humains (qui n'incluent pas seulement les droites et le courbes des corps qui ne sont pas les nôtres mais aussi la justice). Un enfant en vient qui nous ressemble, jeune éternellement et coupable. Car le théâtre est fait de cette jeunesse-là — qui ne passe pas. Et l'on s'attend alors au défilé de tout ce que le théâtre compte de fantômes, c'est-à-dire, de tout ce que la dramaturgie (et le règne des seuls professionnels) en a exclu, l'on s'attend à la longue cohorte de nos passions et désirs trahis mais vifs encore, au triomphe du plus haut désespoir, celui qui, en dépit de l'existence injustifiable, est (éternellement aussi ?) allègre !
J'ai vu passer des pieds de faunes, un tombé de paupières où toute la vie d'une femme s'était réfugiée. Et, après qu'un homme ait crié (paradoxe) : « Il n'y a pas de spectacle », j'ai vu passer notre attente, notre communauté à la dérive, quelques monstres et les effrois et la joie de la connaissance et de la perte de connaissance. J'ai, un instant, vu, lorsque des cloches se sont mises à sonner, cette Piazza di Spagna où le poète John Keats est mort solitaire de tuberculose et j'ai pensé, à son épitaphe, « Ici repose celui dont le nom était écrit sur l'eau » ; j'ai vu un trompettiste las, un homme masqué, une femme (dont le nom n'est pas dit, mais qui est jouée par Dominique Uber) tenir un revolver et beaucoup d'êtres encore — de hauts faits d'arme et d'éclatantes trahisons.
Reste, bémol, que le long cortège de nos fantômes ressemble parfois, ici, à sa figure un peu affadie, la mythologie lasse (mais sympathique) de notre oisiveté (Vita NovaDolce Vita ?) Mais, peut-être, nous est-il désormais impossible de faire défiler le véritable cortège de nos fantômes : tout ce qui et de tous ceux qui sont sacrifiés par notre besoin de rationalité et l'avarice du monde. Ce cortège dont l'un des noms — c'est sûr, est le Théâtre.



Nicolas Hibon
Pour moi ce spectacle est un rêve. Les passages dansés sont d'une extrême beauté et débordent d'émotion. Les acteurs sont beaux. Les actrices sont rayonnantes. Le lieu est sublimement mis en valeur. Vous sortez du cadre avec une intelligence remarquable.

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