C hœurs politiques
(Texte en cours
de Frank Smith qui va nous servir pour le stage de septembre)
— Veux-tu,
veux-tu quelque autre chose encore que ma vie ?
— Ne demande pas, ne t’explique pas, rends-toi compte que
tu n’as rien à dire, invente un problème avant de trouver une solution et
fabrique oui tes propres questions, surtout ne pratique pas d’objections, sors
de tout ça, ne pense pas en termes d’histoire, le passé le futur c'est pas
grave, ne fais pas comme si, ne classifie rien et ne fais pas le chat ou le
chien, ne fais pas de Châteaux en Espagne, confie-toi à personne je suis là.
— Peux-tu, peux-tu quelque autre chose encore que ma vie ?
— N’imite pas, ne te conforme pas à un modèle, fous-toi des principes, des constructions, des phrases, des rythmes et des figures, ne pense pas aux conséquences et remplace un mot par un autre s’il ne te convient pas, il n’y a que des propositions fragiles et insensées pour essayer de se comprendre alors crée des mots, crée des mots fabuleux à condition de les défabuler, n’attends jamais de retour spécial, ne convoite jamais une attention de qui que ce soit de quelque sorte que ce soit, ne fais pas de Châteaux en Espagne, confie-toi à personne je suis là.
— Veux-tu, veux-tu quelque autre chose encore que la vie ?
— Ne cherche pas à comprendre, n’interprète rien, ne te tiens pas dans une organisation réfléchie ni une inspiration spontanée ni une orchestration ou une petite musique, déplace-toi dans ta parole, bouge dans le langage lui-même, n’appartiens à aucun cercle d’aucun mouvement, fais de ta langue une pratique étrange et étranger, un emploi pas homogène, affecte-toi depuis ta langue à toi, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te confie à personne je suis là.
— Peux-tu, peux-tu quelque autre chose encore que ma vie ?
— N’imite pas, ne te conforme pas à un modèle, fous-toi des principes, des constructions, des phrases, des rythmes et des figures, ne pense pas aux conséquences et remplace un mot par un autre s’il ne te convient pas, il n’y a que des propositions fragiles et insensées pour essayer de se comprendre alors crée des mots, crée des mots fabuleux à condition de les défabuler, n’attends jamais de retour spécial, ne convoite jamais une attention de qui que ce soit de quelque sorte que ce soit, ne fais pas de Châteaux en Espagne, confie-toi à personne je suis là.
— Veux-tu, veux-tu quelque autre chose encore que la vie ?
— Ne cherche pas à comprendre, n’interprète rien, ne te tiens pas dans une organisation réfléchie ni une inspiration spontanée ni une orchestration ou une petite musique, déplace-toi dans ta parole, bouge dans le langage lui-même, n’appartiens à aucun cercle d’aucun mouvement, fais de ta langue une pratique étrange et étranger, un emploi pas homogène, affecte-toi depuis ta langue à toi, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te confie à personne je suis là.
—
Peux-tu, peux-tu quelque autre chose encore que la vie ?
— Combine la matière des choses et des
éléments, n’aie pas peur des contresens à moins qu'ils ne soient conduits par
des interprétations, éloigne, refuse le pouvoir que tu pourrais avoir mais
rapproche, invente de nouvelles forces, de nouvelles armes, sois gauche, sois
fragile, sois faible, sois charme et source de vie, sois personne, sois
personne dans personne, sois la chance unique qui glisse en un instant et ne
découpe pas, ne probabilise pas, ne mutile pas l’imprévu, affirme plutôt,
affirme avec obstination, une persévération de toi, une persévération de toi
dans toi sans égale affirme-là, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te
confie à personne je suis là.
— Veut-on, veut-on quelque autre chose encore que ma vie ?
— Ne calcule pas, ne calcule rien mais sois le chiffre de ta propre combinaison, déborde-toi, accorde de la vie à la vie, n’abaisse pas, ne mortifie pas, ne dégrade pas, ne personnifie pas, cesse de te prendre pour toi-même, fais des sauts et des bonds, des hyperboles uniques de joie, illumine-toi, laisse-toi fondre dans l’affection du soir, travaille et travaille encore, ne fais pas école, ne fais pas partie, partie d’une école ni partie d’un parti, travaille au noir, clandestinement, dans le brouillard et la solitude, rencontre des gens sans le savoir, sans connaître qui ils sont, rencontre des idées et traverse des procédures et échafaude des événements et remplis des entités, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te confie à personne je suis là.
— Veut-on, veut-on quelque autre chose encore que ma vie ?
— Ne calcule pas, ne calcule rien mais sois le chiffre de ta propre combinaison, déborde-toi, accorde de la vie à la vie, n’abaisse pas, ne mortifie pas, ne dégrade pas, ne personnifie pas, cesse de te prendre pour toi-même, fais des sauts et des bonds, des hyperboles uniques de joie, illumine-toi, laisse-toi fondre dans l’affection du soir, travaille et travaille encore, ne fais pas école, ne fais pas partie, partie d’une école ni partie d’un parti, travaille au noir, clandestinement, dans le brouillard et la solitude, rencontre des gens sans le savoir, sans connaître qui ils sont, rencontre des idées et traverse des procédures et échafaude des événements et remplis des entités, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te confie à personne je suis là.
— Veut-on, veut-on quelque autre chose encore que la vie ?
— Trouve une place, quelque chose passe et tu es là, conquiers un espace
découvert, quelque chose ne passe pas et tu es là, change volontiers de longueur
d’onde, cède ton trop plein d’énergie, sois cosmologique, sois physique, sois
astrophysique, accepte la diffusion inélastique des choses, ne te mets pas en
situation de dépendre de la nature des matériaux, deviens plus mou ou d'une
plus grande allure, augmente ton angle d’action, excite l'émission d'un nouveau
type de rayonnement, n’hésite pas à former des impulsions plus larges
c’est-à-dire plus douces, projette-toi vers l’avant, relativise ta vitesse, ne
parle pas de perte catastrophique, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te
confie à personne je suis là.
—
Peut-on, peut-on quelque autre chose encore que ma vie ?
— Oblique, change de
repère tout simplement, place-toi dans d’autres référentiels, respecte les
conditions initiales par effet de peau, ne te préoccupe pas d’un terme qui en
deviendrait un autre même si cela s’échange ou se mélange, concentre-toi sur
rien de ce qui est commun, envisage les choses qui n’ont rien à voir les unes
avec les autres, vole, arpente, ne circule qu’en surface, provoque le moins,
éloigne-toi du centre, augmente ta résistance, déplace-toi par oscillations
successives, varie les champs d'intervention, induis des boucles, inverse, plie
les directions de rotation, additionne-toi avec toi et en périphérie, ne fais
pas de Châteaux en Espagne, ne te confie à personne je suis là.
— Peut-on,
peut-on quelque autre chose encore que la vie ?
— Construis et reconstruis sur
ce qui est attente en attente, cap sur le sable, cap sur les plages, découpe
beaucoup de châteaux, découpe un air, une histoire, découpe une ligne selon des
lignes, fais-toi fuir l’esprit et fournis à tes pensées des courants
d’arrière-cour, ne rêve que ce qui est du rêvé, ne pense que ce qui est du
pensé, crie ce qui crie dans la tête, sachant que c’est toi, sachant que c’est
toi et ceux de toutes les espèces, rassemble, laisse les autres mener des
poursuites, nettoie le monde-tribunal, sifflote, balaye, écoute, balaye,
écoute, balaye, cligne de l’oeil, écoute, glisse dans ton sac tout ce que tu
croises, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te confie à personne je suis
là.
— Veux-tu, veux-tu quelque autre chose encore que le monde ?
— Porte tes masques de clown, éloigne-toi de ton maître ou de tout modèle, ne te perds pas dans la conjugalité, ne règle pas, ne reconnais rien, ne juge plus, ne donne pas de leçons, n’énonce pas, ne dicte pas, ne parle jamais à la place d’un autre, au nom d’un autre et pour un autre, ne pose pas de questions pour y répondre aussitôt, ne te réclame d’aucune conformité, fais attention aux sentiments qui te poussent, à ce que tu prétends dévoiler, procède comme on organise une chanson, juste une chanson, peuple-toi, empeuple-toi, repeuple-toi, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te confie à personne je suis là.
— Veux-tu, veux-tu quelque autre chose encore que le monde ?
— Porte tes masques de clown, éloigne-toi de ton maître ou de tout modèle, ne te perds pas dans la conjugalité, ne règle pas, ne reconnais rien, ne juge plus, ne donne pas de leçons, n’énonce pas, ne dicte pas, ne parle jamais à la place d’un autre, au nom d’un autre et pour un autre, ne pose pas de questions pour y répondre aussitôt, ne te réclame d’aucune conformité, fais attention aux sentiments qui te poussent, à ce que tu prétends dévoiler, procède comme on organise une chanson, juste une chanson, peuple-toi, empeuple-toi, repeuple-toi, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te confie à personne je suis là.
— Peux-tu, peux-tu
quelque autre chose encore que le monde ?
— Mets en mouvement, mets en mouvement des blocs de sentiments qui
ne soient plus à personne, lâche et perds et ne mène pas seul ta propre
affaire, lâche et perds et fais filer les lignes en zigzag, cherche ce qui
passe entre deux choses, lâche et perds encore, ne trouve pas seul mais invente
accompagné, accepte ce que l’on te donne même par hasard, pars toujours en
adjacence, ne juxtapose pas, ne fais qu’esquisser, lâche et perds et jamais de
réunion, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te confie à personne je suis
là.
— Veux-tu, veux-tu quelque autre chose encore qu’une phrase ?
— Trace tes
géographies, tes peuplades, tes tribus, trace tes géographies sans références,
remplis tes déserts, prends les idées à revers et lance des signaux, laisse-toi
envahir de tangentes, laisse-toi emporter d’idées, laisse-toi surfer de
mouvements, laisse-toi émouvoir, laisse-toi traverser, détaille, raconte comme
tu vois, rencontre des gestes, des yeux, rencontre des peaux, rencontre des idées,
rencontre des idées dans quelqu’un que tu rencontres, dans les traits de
quelqu’un que tu rencontres, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te
confie à personne je suis là.
— Peux-tu, peux-tu quelque autre chose encore
qu’une phrase ?
— N’accroche pas les mots, donne de la force aux inconnus, ne
sois pas un exemple ou une méthode, change ta situation de la situation où tu
es, cours d’air, pousse par le milieu, ne sois le début ni la fin de rien,
n’empêche pas le désert, sois foule, méfie-toi de l’histoire là où tu arrives,
n’attribue aucune norme, aucune conformité, ne te prends pas au sérieux, ne te
soumets à aucune image, aucun mot d’ordre, mêle-toi de ce qui ne serait pas ton
affaire, ne te laisse pas intimider, ne reste pas en dedans, ne fais pas de
Châteaux en Espagne, ne te confie à personne je suis là.
— Veux-tu, veux-tu quelque autre chose
encore qu’une figure ?
—
Pense et pense et pense, pense des pensées sans images, ne dénonce pas,
n’écrase pas, n’interprète pas, ne transforme pas, n’énonce rien, méfie-toi des
marqueurs de pouvoir, n’impose pas ton image de la langue, évite l’organisation
des redondances, ne reprends la fonction d’aucun arbre, d’aucune eau,
réclame-toi d’aucun droit à la folie, prends de la distance avec la forte
culture, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te confie à personne je suis
là.
— Peux-tu, peux-tu quelque autre chose encore qu’une figure ?
— Cède le
passage, échappe-toi d’un côté ou de toutes parts, en vrac, déplace, fais
croître des puissances nouvelles, inspire de nouvelles conceptions, trouve ce
par quoi tu es secousse, coexistence, ralliement pour les autres, sois des
nôtres et des autres, traverse l’insurmontable, enfourche des balais de
sorcière à ta guise, désolidifie tes constitutions, procède par puissance
d’affirmation, bouge entier dans chaque geste que tu fais, tire en chaque
situation une nouvelle ère qui bouge, ne fais pas de Châteaux en Espagne, ne te
confie à personne je te suis…
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