S cène de stage (rerun : Soupe de Bébé)
« Il ne faut pas chercher à
comprendre, il faut perdre connaissance. » Mon Toto ! (citant Paul Claudel). Ai-je
dit que je l’appelais aussi Toto ? « Baptiste », « Bébé », « Toto », c’est pareil. La
Trinité. C’est Nathalie Kousnetzoff qui a lancé cette mode des surnoms (au
passage, elle ne veut plus qu’on l’appelle Konche). Donc Toto s’habille bien.
C’est facile avec le corps parfait. LE CORPS PARFAIT. Ce matin, par exemple, il
était en John Galliano (grande époque). Une jupe, une veste militaire et un
chapeau invraisemblable trouvé dans une malle semblaient créés sur lui. Mais il
n’y a pas de photo de Bébé ce matin. Car Bébé veut être le meilleur sinon rien.
Et, depuis quelques jours, c’est plus souvent rien. Ah, là, là… Bébé est
parfait, mais Bébé s’énerve à être parfait. Entre parfait et rien, il peut
encore choisir. Rien. Il hésite. Il aurait voulu plonger dans la piscine sans
que ça le mouille. Peut-être. Je comprends pas tout. J’analyse pas. Je lui ai
dit qu’il lui fallait plus d’« éthique », acquérir le « sens
moral ». « J’en ai de l’éthique ! Je sais ce que c’est que l’éthique,
je connais l’éthique ! » On a vite renoncé de parler de ça parce que les
tiques, justement, c’est ce qui nous inquiète un peu ici. On s’inspecte à
plusieurs dans tous les recoins (surtout les plus poilus), en famille. « La mer
la mer cramoisie quelquefois comme du feu ». Leïla dit Molly Bloom, les
dernières phrases — enfin, il n’y a pas de ponctuation… Leïla a aussi apporté
les dernières lignes de Tombeau pour cinq cent mille soldats, ça aussi, à l’origine, un texte proposé à l'éditeur sans
ponctuation sans paragraphe. Je l’ai déjà posté sur ce blog (« Les Dieux ignorent la beauté, la distance, l’absence »). Chloé m’a dit : « Que c’est
beau, ton blog ! — Ah, darling, s’il te plaît, ne lis pas mon blog… — Mais tu
l’as envoyé… » Elle croyait que ce texte était de moi. « Ah, d’accord, je me
disais que tu était vraiment un génie… » Ça, c’est sûr ! Voilà une fille qui
pourrait être au comité de lecture, elle ne laisserait pas passer Pierre
Guyotat ! Yuval redit ce très beau texte, qu’il a écrit : « Je ne suis pas un
auteur je reprendre le monde que j’ai enfanté […] Mes acteurs raccrochent leur
visage au clou de la garde-robe […] Je suis l’auteur et je me réfère sur mes
propres abysses je me retire dans mes écrits dans mes intestins […] et je serai
addict à mes plaies […] je suis celui qui regarde en arrière […] quelque part
les corps s’empilent […] » (J’ai pris au vol.) L’expression « grand public » lui
rappelle la chanson de Brassens qu’il fredonne : « …grand public, grand public…
» Il dit : « le fille de la père » ou « le copine de la père » et il est
déçu quand il s’aperçoit qu’on ne le corrige pas. Il dit aussi « petits poils
» pour « petits pois » et il répond à Sara qui dit : « Je peux vivre sans lui
aussi. — L’île Saint-Louis ? — Vivre sans lui. — Là, il y a les meilleures glaces… » Il prononce
aussi tout d’un coup en anglais le poème Fire and Ice, de Robert Frost. « Some say the world will end in
fire, / Some say in ice. / From what I've tasted of desire / I hold with those
who favor fire. / But if it had to perish twice, / I think I know enough of
hate / To say that for destruction ice / Is also great / And would suffice. »
Il est étonné car il ne l’avait pas prononcé depuis… il ne savait pas
qu’il le SAVAIT.
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