P hosphorescence
« J’ai toujours cru que
le poète et le romancier donnaient du mystère aux êtres qui semblent submergés
par la vie quotidienne, aux choses en apparence banales, – et cela à force de
les observer avec une attention soutenue et de façon presque hypnotique. Sous
leur regard, la vie courante finit par s’envelopper de mystère et par prendre
une sorte de phosphorescence qu’elle n’avait pas à première vue mais qui était
cachée en profondeur. C’est le rôle du poète et du romancier, et du peintre
aussi, de dévoiler ce mystère et cette phosphorescence qui se trouvent au fond
de chaque personne. Je pense à mon cousin lointain, le peintre Amedeo
Modigliani dont les toiles les plus émouvantes sont celles où il a choisi pour
modèles des anonymes, des enfants et des filles des rues, des servantes, de
petits paysans, de jeunes apprentis. Il les a peints d’un trait aigu qui
rappelle la grande tradition toscane, celle de Botticelli et des peintres
siennois du Quattrocento. Il leur a donné ainsi – ou plutôt il a dévoilé –
toute la grâce et la noblesse qui étaient en eux sous leur humble apparence. Le
travail du romancier doit aller dans ce sens-là. Son imagination, loin de
déformer la réalité, doit la pénétrer en profondeur et révéler cette réalité à
elle-même, avec la force des infrarouges et des ultraviolets pour détecter ce
qui se cache derrière les apparences. Et je ne serais pas loin de croire que
dans le meilleur des cas le romancier est une sorte de voyant et même de
visionnaire. Et aussi un sismographe, prêt à enregistrer les mouvements les
plus imperceptibles. »
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