L e Tableau de chapelle

Ce matin, on a vu des chevreuils qui sont venus sur la pelouse devant la maison. Il y a aussi des lièvres énormes dans les prairies en friche. Un ragondin a chassé les poules d’eau de la mare, mais depuis qu’on a installé une cage pour le choper, il a disparu. Qu’il parte, après tout, c’était le but. On préfère les poules d’eau. Vilain ragondin ! Il y a un tableau que Bruno ne voulait pas vendre. Non. Malgré les demandes réitérées. Mais il a cédé pour une bonne raison. C’est un couple français très riche qui s’installe près de la place de la Concorde, à Paris, très riche et catholique. Ils ont construit une chapelle dans leur appartement. La chapelle a été consacrée. Et la femme a demandé le petit tableau pour la chapelle. Bruno a pensé que, là, il ne pouvait pas refuser. Il l’a donné. Puis il l’a refait — le même tableau à un autre format, plus grand — pour l’avoir encore pour lui. Le tableau est maintenant dans cette maison. Il diffuse. Il diffuse sa magie, à travers la mort, à travers les siècles (il est inspiré de Goya). Les gens ne savent pas encore qu’il y en a un deuxième. Surtout ce mécène qui voulait aussi le tableau, il viendra dans cette maison, il verra le tableau, il faudrait le lui dire... Mais ce tableau, comme l’autre, ne sera pas à vendre, sauf circonstances exceptionnelles. Et si ce tableau était vendu, Bruno, sans doute, en referait encore un autre, encore pour lui, sa maison à lui —