Un couple est un
monde, un monde autonome et
clos qui se déplace
au milieu d'un monde plus
vaste, sans en être réellement
atteint ; solitaire,
j'étais traversé de failles,
je relisais et me revenais
la promenade de la veille. Il y a un temps pour tout — et ce temps de la
lecture, je le prenais sur le temps de la promenade de la veille. La promenade
de la veille avait lieu sous une montagne gigantesque, en adoration d’une
montagne gigantesque, une montagne en forme de dent, une prémolaire,
somptueuse, gigantesque, un temple, une forme de la nature. Tout autour le
ciel, la vie, le tourbillon de la matière (et des saisons) qui s’ordonne à son attraction.
Nous avions fait deux promenades à la montagne. La première sur un balcon, un
sentier minuscule entre l’à-pic et la cloison où étaient passés beaucoup de
sangliers rageurs : ils avaient farfouillé la neige et la terre noire et
mélanger la terre noire avec la neige du minuscule sentier qui contournait la
montagne en balcon face au couchant, au panorama et à la montagne magique et
gigantesque qui ressemblait à une dent. La seconde promenade était plus près
encore de la montagne. Nous avions dépassé la Grange-aux-Loups et cette église
et ce calvaire magnifique : la forme de l’enfant Jésus, vraiment bébé,
plaqué sur la croix, presque invisible sur la pierre… puis nous avions garé la
voiture près d’un pont sur un torrent, un torrent où Jeanne aurait voulu se
baigner en été, disait-elle, et nous étions partis avec les luges sur le chemin
verglacé et puis à travers un champ sublime et blanc. Il y avait plus de neige
dans ce coin, elle était plus épaisse. A un moment, le champ avait été
recouvert de fumier, sur une grande portion qu’il fallait traverser pour
retrouver l’immaculé. Nous avancions dans la nuit et dans la nuit qui avançait
aussi vers nous ; nous réussissions à atteindre une petite maison fermée
que Jeanne appelait la maison de Blanche-neige et qu’alors Alexandre voulait
absolument pénétrer. Il fallait trouver la clef, etc. (Pourquoi n’écrirai-je
pas « clef » à l’ancienne ? c’est si beau). Nous redescendions
les yeux habitués à l’obscurité, à luge pendant le grand champ…
la guerre est de nature,
comme disait Napoléon.
Demain nous partirons.
Labels: vercors
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