Friday, August 21, 2015

« Nous sommes dans une civilisation d'illettrés, au sens étymologique du terme, une civilisation d'Egyptiens. Il y a quelques scribes, qui savent lire et écrire, qui aiment ça, qui ont un rapport amoureux au texte et au papier, et puis il y a les autres. Je ne suis pas dans une logique décadentiste ou réactionnaire. C'est comme ça. Il y a une civilisation qui s'effondre, celle du livre. La vraie conséquence, c'est le formatage du cerveau : c'est un organe dans lequel se trouve ce qu'on y met. Si on y met du vide, il y a du vide.  
Cela signifie aussi le triomphe de la reproduction sociale. Ma mère était femme de ménage, mon père était ouvrier agricole, et pourtant j'ai pu m'en sortir à l'époque. Aujourd'hui, dans la même configuration, je ne m'en sortirais pas. Je serais moi aussi ouvrier agricole. Quand les enfants ne lisent pas, quand l'école ne leur transmet pas cette culture, et qu'à la place on les met devant la télévision, on renonce à les éduquer. Car un cerveau qui ne se concentre pas ne se concentrera jamais. On ne pourra plus lire Guerre et Paix. Les gens qui auront lu A la recherche du temps perdu de Proust du début à la fin seront de plus en plus rares.  
On va vers une civilisation de gens dont le cerveau est fabriqué par les informations en continu: c'est BFM qui fait la loi. Pas de développement dans le temps, pas de dialectique, pas de capacité à s'inscrire dans l'espace mentalement ou intellectuellement, pas de raisonnement. Juste du slogan. Le slogan est dans l'instant pur, il peut se répéter, donc c'est facile. Et désespérant. Et de fait, le livre n'y a plus sa place. »

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