P osse existere potentia est
Une phrase sur un marque-page : « Quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui meurt. » C'était vrai, je le ressentais très fort, concernant mes grands-parents. Ils parlaient breton, ils avaient connu ce qu'on pouvait appeler la Bretagne et je voulais enregistrer ma grand-mère (qui, parlant beaucoup moins que mon grand-père, semblaient garder ses secrets). Maintenant mes parents ont quatre-vingts ans, mais la phrase ne me parait plus juste. La destruction a été si massive, si tonitruante, si évidente en trente ans : ça avait commencé avant, quand j'étais jeune, on avait l'impression que la destruction était en marche, qu'on y était en plein dedans, mais, maintenant, on est comme de l'autre côté, aftermath, il n'y a plus rien, plus rien du tout, plus rien qui peut brûler. J'ai dit aux enfants tout à l'heure à table : « On n'est pas très fier du monde qu'on vous laisse. Il va vous falloir beaucoup de chance, d'intelligence et sans doute de courage... » Mais je me suis demandé ensuite s'il n'y avait pas moyen de ne pas transmettre cette culpabilité que je ressens, oui, particulièrement quand je suis avec des enfants : pas fier et triste ; ça ne va pas, il y aurait sûrement une autre manière de penser : une joie de vivre... Oui, bien entendu, c'est ça qu'il faut transmettre : pas l'impuissance, mais la joie de vivre... La puissance de Spinoza ?
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