Tuesday, September 27, 2016

P ar le prisme des décors, des féeries rêvées de l'opéra-comique


Bravo, Olivier, pour ta sublime diva ! La présence de Judith Chemla (dans son rôle) à quelques mètres de mon lit me rend presque malade, moi aussi, je dois dire. Je ne sais pas non plus si je dois m’y coller tous les jours, descendre en chaussons ou faire des pauses…

Je rame un peu pour le projet de cabaret à l’Opéra-Comique, il y a quelques mois que je n’ai pas vu Agnès, c’est-à-dire que d’autres choses se présentent dans le travail (dont le Proust !), alors je me dis que ça se ré-enclenchera quand j’aurai les dates et que j’aurai vu la salle. Certainement. Pourtant, il vient de m’arriver quelque chose dont je voulais te parler. Dans un projet où je participe en tant qu’interprète, sur Dionysos, je me suis soudain mis à entrer dans ces Illuminations d’Arthur Rimbaud qui m’étaient jusqu’ici demeurer trop difficiles, que je laissais pour plus tard. Et, là, j’ai compris quelque chose. Pour la petite histoire, j’y suis entré par la traduction américaine, mais peu importe. Je me suis aperçu que de nombreux poèmes des Illuminations font référence à l’illusion théâtrale, qu’il y a dans le texte deux occurrences de l’« opéra-comique » ; dans Scènes : « L'opéra-comique se divise sur notre scène à l'arrête d'intersection de dix cloisons dressées de la galerie aux feux » ; dans Fête d’hiver : « La cascade sonne derrière les huttes d’opéra-comique ». Ça me donne une clé, faire de l’Opéra-Comique, un opéra-comique rêvée (y est-il même allé, Rimbaud ?), poétique, rêvée, par exemple, par Arthur Rimbaud — dont plusieurs Illuminations peuvent être découpées dans le kitsch sublime des décors inflammables de théâtre (« J’aimais les peintures idiotes… »), mais par d’autres aussi, toute une poétique des « soirées », des nuits, des rêves, des robes, des incendies, de Jules Verne à Jules Vallès (« les pompiers qui courent vers les incendies »), tout un fatras merveilleux, la sueur, les cheveux, etc., qui, heureusement pour moi (la dramaturgie sinon serait fastidieuse) se trouve ramassé comme sur une plage par les meilleurs poètes, Rimbaud, ici, c’est la découverte, mais bien sûr Proust, Mallarmé (« La dernière mode »), Gérard de Nerval, etc. En plus des pistes de ces chanteurs vedettes pour lesquelles on créait du sur-mesure, Dugazon et compagnie, tout cet artisanat passionnant, ce serait plus fort de parler d’un opéra-comique qui n’existe pas, qu’en rêverie, qu’en poèmerie, qu’en joaillerie de pacotille, qu’en disparition en fait, c’est-à-dire ce que j’aime, que l’opéra-comique n’ait jamais existé et qu’on en invente une version plantée dans les Alpes ou aux Pôles, une version grand poète de dix-sept ans…
Evidemment, cette perspective est tellement réjouissante qu’on voudrait la grande salle, même pour un soir… (mais, enfin, je n’ai pas vu le foyer).
Toute mon amitié, 
Yves-Noël



Chère Caroline,
comme tout le monde, j’ai appris il y a quelques semaines, que vous alliez déménager. N’aurais-tu pas une idée pour moi ? J’aimerais tellement faire un truc dans la verrière, tant qu’il en est encore temps… J’ai revu (au spectacle de Régy) Guillaume Allardi, en pleine forme, encore plus beau (il vit à la campagne) qui est l’acteur du spectacle d’ActOral que tu avais tant aimé, Domaine de la Jalousie. D’ailleurs, ce spectacle prouve ma capacité à m’adapter (relative, certes : j’aurais bien aimé réussir au Rond-Point un spectacle du Rond-Point, mais, ça, même Jean-Michel Ribes lui-même n’y arrive pas toujours). J’ai eu l’audace de ce spectacle parce que je débarquais dans un festival d’écritures contemporaines et avec le soutien d’Hubert Colas. Plus la chance de rencontrer Guillaume. Je suis sûr qu’avec ton soutien j’arriverai à faire quelque chose de très beau à Théâtre Ouvert. Une fête contemporaine. S’il en est encore temps.
Amitiés, 
Yves-Noël 

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