Sunday, September 11, 2016

N ote d'intention demandée par Emmanuel


Marguerite Duras disait — dans ma jeunesse je la côtoyais et cela m’avait frappé — qu’on ne pouvait pas mieux écrire que cette phrase de la Genèse : « Il y eut un soir et il y eut un matin ». Elle avait dit, je l’entends encore — et cela a pu marquer un enfant : « Qu’est-ce qu’on peut écrire de mieux ?… » Bien entendu, cette genèse est la folie de toutes les histoires ; on ne peut rien, en effet, écrire de « mieux » ; on écrit toujours et encore la Genèse. Rimbaud, Dostoievski. Tout le monde. N’importe qui. Bernard Shaw a qui l’on demandait s’il pensait que la Bible avait été écrite par l’Esprit saint : « Non seulement la Bible, mais tous les livres ». On essaye de l’écrire différemment, on voudrait, mais les personnages d’Adam et Eve nous hantent ad libitum. En y ajoutant le serpent-baryton, nous retrouvons le trio fatal de presque tous les opéras, la soprano, le ténor et l’emmerdeur. Cette remarque, je me souviens que c’est avec Bertrand Dazin et Jeanne Monteilhet, aux Bouffes du Nord, que nous nous l’étions faite, augmentée de la réflexion qu'il n’y avait pas vraiment d’opéra sur le sujet et c’est ce qui nous a fait rêver à une réalisation dont j’ai parlé à quelques personnes dont Emmanuel Quinchez. Une réalisation rêvée. Je veux dire : qui doit rester un rêve. « Le monde n’est pas bien rangé, c’est un foutoir. Je n’essaie pas de le mettre en ordre », disait le célèbre photographe de rue, Garry Winogrand — et c’est encore une phrase sur la Genèse. Je voudrais, moi, que mes spectacles soient comme des poèmes en ébauche à terminer soi-même… Le sujet — d’habitude il n’y a pas de sujet, mais ce sujet, qui appartient à tous, vivants et morts — s’y prête. La poésie, je l’imagine dans un roulement sans fin ; ces poèmes, les imagine aux limites, bien sûr, de la compréhension, au danger de l’incompréhension, que le spectateur et moi, nous nous entraînions tous les deux à nous faire peur, à nous approcher de la douceur, au-delà des mers et de la verte folie. « Il n’y a pas le monde des vivants et le monde des morts, il y a le royaume de Dieu et nous sommes dedans », disait Georges Bernanos. Je ne voudrais pas m’étaler : tout reste à faire. Le sujet est si vaste. J’ai l’impression que Pedro Garcia Velasquez qu’Emmanuel Quinchez m’a permis de rencontrer pense un peu comme moi… Voilà, nous en sommes là, au début de tout. Il y a un énorme travail de dramaturgie à opérer avant de s’engager dans l’une ou l’autre des solutions scéniques et musicales qui ne manquent déjà pas d’affluer. La découverte (aussi par Emmanuel) d’un Journal d’Adam et d’un Journal d’Eve par Mark Twain nous permet d’espérer que l’entreprise ne soit pas, au final, totalement dénuée d’humour — ou même d’esprit.
Yves-Noël Genod, 11 septembre 2016

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