G enèse (11)
« Quittant le siège par l'entrée principale encadrée de deux ancres de béton, la fatigue et le stress combinés ont, sans prévenir, dépouillé le réel de tous les apparats dont je l'habillais sans cesse. La rue, les immeubles n'étaient plus cette pelote d'histoires à dévider, mais des éléments inaccessibles, minéraux, dont les renflements baroques n'évoquaient plus rien. Cette impression m'a poursuivi jusqu'à mon appartement : les grosses cylindrées qui démarraient en trombe aux feux rouges ne trainaient plus derrière elles de frémissants rubans de récits, c'étaient juste des carcasses. Aux terrasses des cafés, dans l'encadrement des fenêtres, les gens s'alignaient comme des spécimens derrière la vitrine d'un musée de sciences naturelles. Je déployaient des efforts démesurés pour relancer le bourdonnement de fiction qui, sans cesse, m'accompagnait, mais rien ne venait : la ville, le monde étaient disjoints, et, à peine effleurées, les péripéties, les intrigues cassaient comme des cheveux trop secs. Tout s'effritait sous mes doigts, et j'étais impuissant à recoller les morceaux. »
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