Sunday, November 26, 2017

M yrtille et Aurélien


Chers amis, vous me manquez !
C’était si agréable, Lausanne ! J’ai du mal avec Paris, disons, peut-être ce n’est pas Paris, mais la vie quotidienne plutôt. 
Myrtille et Aurélien m’ont chacun demandé de les conseiller pour continuer sur cette envie d’être sur scène. Je ne connais pas la situation en Suisse, il faudrait demander par exemple à Patrick de Rham qui en sait beaucoup plus et qui me dit que l’école de Bern (d’où est sorti Price) est très bien (une école autour de la performance). On m’a dit aussi, je ne sais plus qui, ah si, François Gremaud qui est à Paris en ce moment avec son excellent spectacle Conférence de choses, qu’une école privée de Genève, l’école Serge Martin, je crois, fabriquait des acteurs très libres, pas du tout formatés (je pense que l’acteur de Conférence de choses vient de là…)
Il y a eu des photos faites par Nadia, par Anaïs, peut-être pourrait-on les voir (par Wetransfert ou Dropbox). La vidéo, est-ce qu’Ana-Belen pourrait la mettre en ligne ? Il faudrait, chère Ana-Belen, aussi mettre en ligne la captation de la première de La Recherche (d’urgence, si tu peux, on part demain à Toulouse et on joue dans quelques jours).
Ce que je veux vous dire, vous redire, c’est comment j’ai été enchanté de travailler avec vous, c’est-à-dire, employons les grands mots, de vous rencontrer, pour autant qu’on le puisse, même modestement, mais, oui, c’est le mot qui me vient : vous rencontrer. Je ne m’explique d’ailleurs pas que cette rencontre ne se soit faite ni avec Marika ni avec Carine avec qui j’avais pourtant envie de travailler (j’avais beaucoup regardé leurs vidéos). J’ai souvent employé des actrices très expérimentées comme des poissons dans l'eau avec la liberté proposée (par rapport à des productions plus lourdes) (Jeanne Balibar, Audrey Bonnet, Valérie Dréville, Kate Moran, Marlène Saldana, etc.) Marika m’a d'ailleurs encore écrit un mot que je ne comprends pas, elle me parle de construction de personnage, ça n’a rien à voir avec l’objet de ce stage éclair. Mais comme toujours quand il y a incompréhension, il y a aussi l’espace de la compréhension, ces deux absences ont aussi créé l’accord de cette pièce, Fabrique de star, dans une justesse qui a été la sienne propre, celle que vous, présents comme une troupe, avez proposée. Moi, je savais que la pièce se ferait,  je ne savais pas comment, mais je sentais que j’avais le désir qu’elle se fasse. Que, même menacée, la solution accourait. Participation happening merveilleuse d’Aurélien Batondor (pour le plaisir encore de le nommer…)
J’ai l’habitude, je ne verse pas de larmes, c’est toujours comme ça quand quelque chose s’est « bien passé », s’est rencontré (trouvé), on ne comprend pas que ça s’arrête brutalement, mais à mon âge on s’y est endurci, à cet état de fait. La vie court. Mais j’ai plaisir, ce soir, à ce petit coucou et vous redire que cette représentation du dimanche était une des plus parfaitement musicalement interprétée que j’ai pu admirer de mon travail, comme je vous l’ai dit un cadeau délicat pour votre serviteur — et pour le public.
Tenez, un bout de texte (de Peter Handke, Outrage au public) que quelqu’un a donné ce soir en fin d’un de ces cours Jouer comme Gérard sur le thème de la Genèse que je donne dans un café de Pantin, près de Paris. Ça résonnera sans doute avec ce que nous avons abordé, l’idée de donner au monde plus de place, enfin... la place toute entière que nous sommes... Nous respirons le même air.
« Cette scène ne représente pas un autre vide. Elle est vide. vous ne voyez pas d’objets mimant d’autres objets. Vous ne voyez pas de ténèbres imitant d’autres ténèbres. Vous ne voyez pas de clarté imitant une autre clarté. Vous ne voyez pas de lumière imitant une autre lumière. Vous n’entendez pas de bruits imitant d’autres bruits. Vous ne voyez pas de décor imitant un autre décor. Le temps que vous vivez n’imite pas un autre temps. Sur la scène où nous sommes, le temps est le même que chez vous. Notre heure locale est la même. Nous sommes sur le même parallèle. Nous respirons le même air. Nous nous trouvons dans le même lieu. De ce côté ci, le monde n’est pas différent de chez vous. La rampe n’est pas une frontière. Tant que nous vous parlons ce n’est pas une frontière. Ici, pas de cercle invisible, pas de cercle magique. Ici, pas de place pour le théâtre. Nous ne jouons pas. Nous nous trouvons tous ensemble dans le même lieu. La barrière n’est pas rompue ; elle ne laisse rien filtrer, elle n’existe pas. Nous ne sommes pas séparés, vous et nous, par une ceinture de rayonnement. »
Love, 
Yves-Noël



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