Saturday, February 17, 2018

Orléans, stage du 4 au 15 juin


Je crois qu’on ne peut pas imaginer de différence plus grande qu’entre les spectacles de Laurent Chétouane et les miens. Pourtant nous sommes amis. Il y a un passage. Nous sommes amis parce que je fais l’expérience de ses pièces (qui sont des pièces d’amitié). J’aime le travail de Laurent Chétouane parce qu’il est vrai. Il a découvert ça : que la danse pouvait se danser en vrai — pas en illusion, mais en vrai. Et c’est ce que j’essaye aussi de proposer : quelque chose, on peut dire, de naturel, de non spectaculaire, de mineur. On est dans un monde d’absolu mensonge donc c’est à la fois difficile et facile de proposer quelque chose de vrai. Souvent on entend un interprète dire dans mes spectacles qu’il n’y a pas de spectacle (c’est une phrase qui revient). Non, au fond, il n’y a pas de spectacle. Il n’y a pas ce dehors spectaculaire qu’on nous propose. « Le rose qu’on nous propose », comme le chante Alain Souchon dans Foule sentimentale. Ce dehors de carton-pâte. Mais, dans ce décor, il y a le réel. Il y a ce que les gnostiques appellent la divinité intérieure (j’avais appelé un spectacle — je crois que ça venait de Shakespeare — Le Parc intérieur), c’est-à-dire un endroit à l’air libre, vrai, mais qui est à l’intérieur, réel. Laurent Chétouane réussit à mettre le « inward » « outward » — comment le dire en français ? le « vers l’intérieur » « vers l’extérieur ». Il s’agit d’un stage absolument expérimental. Avec Laurent, c’est très facile, il est tout le temps dans l’« experiment » et, moi aussi, j’essaye d’inventer chaque fois une première fois. Tout se passe avant la mort. Alors. Etre Dieu (j’ai donné plusieurs stages sous ce titre : Jouer Dieu), c’est avant la mort. To be or not to be. Mais la divinité — la liberté —, elle est à délivrer, prisonnière. Faible, fragile, vivante. Vous êtes des animaux avec des vêtements posés sur vous en vrac, des singes habillés, des chiens habillés. C’est aussi bête que ça. Les spectacles de Laurent Chétouane, pourtant très beaux, ont peut-être peu à voir avec la beauté (la symétrie) — question centrale chez Pina Bausch, par exemple, et sans doute chez William Forsythe — ou la laideur. Je n’ai jamais rencontré cela nulle part ailleurs.
Yves-Noël Genod

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