Monday, March 12, 2018

Alain Neddam
C’est un acteur. Un acteur étonnant, unique en son genre. Yves-Noël Genod  l’a invité à écrire sur le plateau, avec son corps et sa voix, une variation sur le rôle le plus intimidant du répertoire théâtral : Hamlet. 
Et en fait, plutôt que d’incarner ce personnage, il se promène dans le rôle et dans la pièce de Shakespeare toute entière et dans ses alentours (il peut être Gertrude, Polonius ou Ophélie quand ça lui chante). Il le fait avec une liberté et une intelligence du jeu qui forcent l’admiration, avec ce qu’il faut d’insolence et de préservation du mystère. Lui tiennent compagnie, pour un intermède, deux acrobates fascinants qui seraient — il faut bien se justifier d’apparaître en duo — Rosencrantz et Guildenstern : Ricardo Paz et Stefan Kinsman. Et puis, une douzaine de spectres qui apparaissent brièvement sur le plateau, traversant l’espace embrumé au ralenti, ni morts ni vivants.
L’acteur s’appelle Aidan Amore. Je suppose qu’il vient d’un pays où l’on parle anglais, à moins qu’il ne vienne tout droit du théâtre de Shakespeare et qu’il est une pure création littéraire, mais j’en doute un peu. Il dit Shakespeare dans sa langue d’origine, mais aussi, fréquemment en français. Il est facétieux, a le sens du futile mais peut s’abîmer aussitôt dans un silence d’acteur inspiré. Son Hamlet s’écoute comme une méditation grave sur le théâtre, ou comme une fantaisie baroque sur l’inutilité de cet art. Et il faut reconnaître qu’on a entendu ce soir Hamlet de Shakespeare, beaucoup plus que dans d’autres mises en scène avec scénographie, lumières, où tous les rôles sont distribués, et toutes les scènes jouées dans l’ordre. 
On sort hypnotisé, émerveillé.
Il n'y a plus que ce soir (mardi 13) et au Théâtre de Vanves que l'on peut voir ça.

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