Saturday, May 18, 2019

M any-Worlds


Isabela, Ricardo, Baptiste,

— and forward to Marcelo (give this text to Luiz, please), Daniela (it can help for the comprehension of the performance, sorry to let it in French here)

Je suis heureux, chers amis, d’avoir réussi in extremis à vous réunir dans une distribution qui me paraît idéale, dans le sens contrastée. Nous ne sommes que quatre, mais en apparence si différents que ça me réjouit. J’aime, en effet, dans mes spectacles, montrer des oppositions les plus grandes possible, comme des univers autonomes, indépendants, animés de lois différentes : comme les astrophysiens imaginent maintenant la création. La notion de multivers, une création permanente d’univers comme des bulles dans le champagne — chacun avec ses propres lois incompatibles et inimaginables. Il me semble que les spectateurs peuvent ainsi exercer leur imagination plus activement (comme d'une manière surréaliste), sortir des catégories : quel est le lien ? quel est le sens qui s'échange dans cette famille de gens désaccordés ? Le sens du sans compréhension (Tchekhov, dans une lettre : « il serait temps que les gens qui écrivent, en particulier les artistes, reconnaissent qu'en ce monde on n'y entend goutte »). Il faudra garder cette autonomie, même si le texte Rester vivant / Permanecer vivo va bien entendu très fortement colorer la représentation. Il faudra, bien entendu, être cosmique…

On essayera de travailler à l’amplification de vos contrastes par les costumes (ou l'absence de costumes) pour former des figures.

Dans mon esprit, je vous nomme avec affection : 
Baptiste, le Poète 
Ricardo, le Colon (ou Christophe Colomb)
Isabela, : l’Amazonie (ou la Sauvage)
Et, moi, je ne sais pas, le narrateur, disons ou le Conférencier (ou Iggy)

Il y a l’idée que je donne un workshop dès mon arrivée à Rio le 5 pour rencontrer des personnes susceptibles de figurer un groupe dans ce spectacle, groupe que je nomme le Chœur (ou le Cœur)

Evidemment, tout le monde est tout, Baptiste est aussi Colon, Amazonie et Chœur, Ricardo est aussi Amazonie, Poète (et Coryphée), Isabela est aussi Poète et Colon et Chœur

Il y a une phrase dans Rester vivant qui dit : « La poésie en réalité précède de peu le langage articulé ». Comme je vais, moi, beaucoup articuler de mots (et Ricardo le Colon, aussi, s’il me traduit), il faudra que vous, Ricardo, Isabela, Baptiste et le groupe, portiez beaucoup cette présence de l’inarticulé.

Vous pouvez vous apercevoir les uns les autres sur Youtube : 

Ricardo Paz avec : https://www.youtube.com/watch?v=P9hhoWj1i0I
Baptiste Ménard avec : https://www.youtube.com/watch?v=TNA4Q86IVQ8
Isabela Fernandes de Santana avec : https://www.youtube.com/watch?v=d8ofQ7xJLPs

Le texte de Permanecer Vivo : http://rascunho.com.br/permanecer-vivo-um-metodo/

(En français je ne sais pas si on le trouve en ligne, moi, je l’ai dans le volume (8€) de Poésie de Michel Houellebecq en J’ai lu)

Voici ce que j’ai déjà donné pour la com' (ça a été fait quand on pensait encore faire venir La Mort d’Ivan Ilitch (http://vimeo.com/59095419), mais je pense que c’est assez général pour aller toujours (et peut-être d'ailleurs que La Mort d’Ivan Ilitch peut encore être une source d’inspiration) : 

On essayera d’être très général. La mort et la vie. Ou dans l’autre sens. La vie et la mort. Et on essayera d’être le plus sensible possible. Ces choses-là, ça ne se comprend pas, c’est leur beauté. Mais ça se vit. La vie. L’approche de la mort. La soirée est librement inspirée de Rester vivant, premier essai de Michel Houellebecq, sorte de Lettres à un jeune poète à qui le narrateur conseille de ne pas se suicider. « Apprendre à devenir poète, c’est désapprendre à vivre », écrit-il. 

Réflexion sur le théâtre et ses fantômes, la vie et sa solitude, le désespoir et l’amour, cette soirée est aussi une soirée sur rien. Mes spectacles, en effet, ne valent que de parler de rien, voudraient n’avoir aucun sens, au sens de Tchekhov dans les Trois Sœurs : « Le sens… Tenez, il neige. Où est le sens ? » — ou au sens de Guillaume IX d’Aquitaine, premier troubadour français connu (XIème siècle) : 

« Ferai un vers d'absolument rien
Ne sera sur moi ni autre gens
Ne sera sur amour ni sur jeunesse 
Ni sur autre chose 
Je l’ai trouvé en dormant
Sur mon cheval 

[…]

J’ai fait ces vers ne sais sur quoi 
Et les transmettrai à celui
Qui les transmettra à un autre 
Là-bas, vers l’Anjou
Pour qu’il me fasse parvenir de son étui
La contre-clé » 

Mes spectacles imprévus apparaissent alors que personne ne les attend. C’est l’essence de la création artistique : personne n’en a envie, personne ne sait. Ce qui apparaît ne manque pas.

Yves-Noël Genod



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