Thursday, August 01, 2019

E ditorialement correct


« Dès que j’ai eu L’Amant, le livre, je me suis installé pour le lire d’une traite. Et je l’ai lu de l’intérieur avec passion. Certainement parce que nous nous étions vus régulièrement, c’était une époque où nous parlions beaucoup, davantage elle que moi. Ce pourquoi si elle s’arrêtait soudain de parler, ce pouvait être pour m’interpeller d’un : « tu as bien une opinion ! » 
Donc d’une certaine façon le texte m’était familier. J’ai aimé ce livre qui a propulsé MD jusqu’au grand public, et continue d’aimer ce roman devenu aujourd’hui à la franche limite de l’éditorialement correct.
Certains de son public habituel s’en sont trouvés comme méjugés. Certains l’ont lâchée à ce moment-là.
Relisant différents passages de L’Amant, dans l’édition de juillet 1984, je tombe vers la toute fin sur le verbe « peurait », coquille évidemment corrigée dès l’édition suivante. Ce ne pouvait être une erreur de frappe, de type lapsus, commise par MD elle-même, elle ne se servait pas ou plus de machine pour écrire. Encore moins de clavier.
Elle « peurait ». J’aime bien le mot. Manifestement pour dire qu’elle pleurait. Encore qu’il va bien avec le texte. La petite avait peur, est-il écrit juste ensuite. L’amant aussi avait peur. «Peurer» veut dire plus qu’avoir peur, décrit une tendance dans la vie. Paradoxalement de n’avoir pas peur de la lucidité. D’opter pour une plus grande conscience des choses. Dont il résulte le mal d’intelligence.
Renvoie aussi à ce qu’elle exprimait sur un ton de confidence, que «cela faisait peur parfois ce qu’on écrivait». Pour signifier qu’il arrivait de dépasser par l’écriture des connaissances finies, de découvrir avec le travail de l’écriture des données qu’on n’imaginait pas auparavant. Ni ne pouvaient même se pressentir avant la formulation… »

« Justement je me sentais lié à MD par tout ce qui chez elle portait à la littérature. 
Mais quoi précisément ? Quel que soit le sujet de l’écrit ou du parler, en conversation ou en texte, jamais n’est oublié que nous trempons dans une histoire et un espace qui nous accablent autant qu’ils nous stimulent. 
Toujours est présente la polysémie, effective ou potentielle. A tout instant le texte, même occupé à son affaire, peut néanmoins enfler pour nous embarquer dans une direction inattendue. » 

Labels:

0 Comments:

Post a Comment

<< Home