L ’Organisation de la société de la peur

Moi, je trouvais ça tellement bien, la liberté. Il y a quelques années, je faisais des spectacles où je disais aux interprètes : voyez-vous il faut que le spectacle soit ressenti par les spectateurs comme une leçon de liberté. J'ai intitulé plusieurs stages ainsi : Leçon de liberté. Mais, maintenant, la liberté a été détruite et le sera sans doute de plus en plus, toujours plus, une société de plus en plus, comme disait l'autre soir Fanny Ardant, de plus en plus empêchée, il y a une loi pour tout... Mais Fanny dit que c'est encore plus excitant de trouver la liberté quand tout est empêché, de vivre pour enfreindre la loi quand tout est interdit. (Peut-être.)

« La liberté a déjà disparu.  Nous sommes déjà dans un pays où nous ne sommes pas totalement libre de publier ce que nous voulons, un pays dans lequel nous ne sommes pas tout à fait libre de manifester sauf à être contrôlé avant la manifestation par des représentants du parquet. Ça n'est rien, évidemment on n'est pas la Turquie, on n'est pas encore l'Egypte de l'effarant al-Sissi, mais, mais, mais nous sommes déjà dans un pays dans lequel notre idée absolument transcendante de la liberté qui doit céder à tout le reste, cette idée-là a disparu à cause de ces arbitrages entre la liberté et la sécurité. »

« Ce qui a disparu, au fond, c'est cette idée de la liberté comme valeur première. » 

« J'ai vu disparaître la gauche humaniste. » 

« La liberté n'existe pas sans les inconvénients de la liberté. »

« La république est née de la haine des tyrans. » 

« On ne veut plus voir que le mal existe, en chacun de nous. »

« au fond, nous nous sommes fait une idée de la perfection de l'homme. Tout ce qui blesse la perfection de l’homme doit être réprimé. La perfection de chaque homme. […] Et donc nous vivons dans le rêve d’une société de la perfection individuelle. Ce rêve provoque une société de la peur. Une société de la peur où chacun a peur pour la perfection de sa propre vie que tous les journaux, tout le monde lui présentent sans cesse comme qqch de désirable. Cette peur génère à son tour une organisation sociale et collective de la peur. […] depuis vingt ou trente ans l’ensemble de la société s’organise pour faire advenir cette organisation collective de la peur et non pas, d'une certaine manière, un encadrement, si je puis dire, d'une société de l'aventure. »

« Cette organisation de la peur nous dégrade » 

« on a remplacer l’idéal de la liberté par le culte des droits »

« C'est quoi l'idée du XVIIIème siècle ? [...] Nous sommes en train de faire mouvement, à l’heure actuelle, vers — mouvement arrière —, vers à nouveau une société de l’archaïsme et de la peur et notamment une société qui mélange sans cesse la morale et la norme, c’est devenu presque notre caractéristique. Et donc La liberté du XVIIIème siècle, c’est quoi ? ça n’est pas le droit pour chacun de faire ce qu’il veut, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on dit que cette liberté est limité par celle des autres ; la liberté, au sens du XVIIIème, c’est la liberté de privilégier partout (Bernanos le dit très bien) le sentiment que chaque citoyen a de la liberté d’autrui. C’est ça le sentiment de la fraternité politique. S’il n’y a pas de ça, il n’y a pas de société politique. Il y a simplement des hommes ou des groupes qui réclament à l'Etat de faire respecter ces droits au détriment du droit des autres. »

« A la fin que va-t-il va se passer ? Eh bien, il va se passer que nous n’aurons plus rien qui nous rassemble […] nous n'aurons plus cet idéal de la société politique et du progrès vers une société meilleure et nous n’aurons plus que le culte de la nature. C'est ce que nous voyons sous nos yeux se développer. »

« La libido bureaucratique nous gouverne. »

« Les gens qui veulent exercer du pouvoir sur les autres, ils sont extrêmement nombreux, et, à la fin, c'est ça dont il est question dans les activités gouvernementales, mais les gens qui ne souhaitent pas exercer du pouvoir sur les autres et qui souhaitent simplement rappeler ce qui compte pour nous en tant que citoyens, en tant que simples citoyens, en tant que citoyens qui ne gouvernent pas est qqch d'absolument éminent, eh bien je trouve que plutôt, ceux-là devraient plutôt se grouper ensemble plutôt que de rêver d'être ministre... »

« le droit n'est pas censé se mélanger avec la morale »

« Pierre, sang, papier ou cendre », « j’écris ton nom, liberté »

« Sur mes cahiers d’écolier

Sur mon pupitre et les arbres

Sur le sable sur la neige

J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues

Sur toutes les pages blanches

Pierre sang papier ou cendre

J’écris ton nom

Sur les images dorées

Sur les armes des guerriers

Sur la couronne des rois

J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert

Sur les nids sur les genêts

Sur l’écho de mon enfance

J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits

Sur le pain blanc des journées

Sur les saisons fiancées

J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur

Sur l’étang soleil moisi

Sur le lac lune vivante

J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon

Sur les ailes des oiseaux

Et sur le moulin des ombres

J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore

Sur la mer sur les bateaux

Sur la montagne démente

J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages

Sur les sueurs de l’orage

Sur la pluie épaisse et fade

J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes

Sur les cloches des couleurs

Sur la vérité physique

J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés

Sur les routes déployées

Sur les places qui débordent

J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume

Sur la lampe qui s’éteint

Sur mes maisons réunies

J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux

Du miroir et de ma chambre

Sur mon lit coquille vide

J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre

Sur ses oreilles dressées

Sur sa patte maladroite

J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte

Sur les objets familiers

Sur le flot du feu béni

J’écris ton nom

Sur toute chair accordée

Sur le front de mes amis

Sur chaque main qui se tend

J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises

Sur les lèvres attentives

Bien au-dessus du silence

J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits

Sur mes phares écroulés

Sur les murs de mon ennui

J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir

Sur la solitude nue

Sur les marches de la mort

J’écris ton nom

Sur la santé revenue

Sur le risque disparu

Sur l’espoir sans souvenir

J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer

Liberté. »