L ettre de Noël
Oui, j’ai un peu ri… J’adorerais être l’un de vos professeurs ! Que faire de ce cas (vous) ? Sans doute en avez-vous un ou une avec lequel ou laquelle vous avez une relation épanouissante, non ? aucun ? Bon… En tout cas, c’est vous qui m’en apprenez. Ce n’est d’ailleurs pas le problème qu’un professeur — si j’en suis un peu un — apprenne de son élève. N’est-ce pas ce qui est développé dans ce beau titre de Jacques Rancière : Le Maître ignorant ? Si vous ne l’avez pas déjà lu, c’est certainement que vous l’avez déjà écrit, cher jeune ami surdoué... J’ai quand même récolté une phrase de votre niveau, ce matin de Noël, à vous soumettre. Elle est de Vincent van Gogh (dans une lettre à son frère) : « Une certaine mélancolie nous demeure en songeant qu'à moindre frais, on aurait pu faire de la vie, au lieu de faire de l’art ». Emouvant, non ? « à moindre frais »... C’est la plus belle définition de la mélancolie que je connaisse. C’est ce que nous pouvons nous souhaiter l’un à l'autre, non ? « faire de la vie »… Oui, on s’amuse bien au Carreau. C’est dommage que vous ne soyez pas là. Vous ne pouvez pas monter à Paris un weekend ou deux au mois de janvier ? Avec votre âge miniature, ça doit coûter zéro bonbon, le voyage en train… On « joue » tous les weekends de janvier (sauf le premier) et, officiellement (donc si on peut accueillir du public), le dernier (le 30 et 31), avec une générale la veille, le vendredi, si possible, dans l'après-midi, à la même heure (d'hiver).
Je vais un peu me pencher sur les personnages dont vous m’apprenez l’existence : Max Stirner (etc.), Karl Popper (etc.) J’ai du boulot ! Je suis dans la maison construite par mon père (décédé : Maeterlinck) avec ma mère (Alzheimer : Beckett) et mon frère séparé cette année de sa compagne qui vient — lui — de partir aux urgences, le jour de Noël donc, parce qu’il a une douleur près du cœur qui l’empêche même de dormir depuis quelques jours — et avec les enfants absents (ceux de mon frère, quatorze et seize) repartis hier après le réveillon dans la famille adverse (leur vitalité — absente soudain — rend, bien sûr, s’il le fallait, la maison fantôme) — et je tombe sur des livres déjà lus dans les années enfouies merveilleusement retrouvés : Entre la vie et la mort, de Nathalie Sarraute, Other People, de Martin Amis, par exemple, et puis des poèmes de Verlaine, de Ronsard, d’Eluard, de Louise Labé, de Charles d'Orléans... Quelle merveille d’avoir plusieurs vies ! (je vous le dis en avance — ah, non ! Rimbaud vous l'a déjà dit). Et quelle merveille ce serait de pouvoir resté terré là (au moins pour l’hiver) à lire et à relire dans le calme et dans la nuit…
Le Testament adolescent, c’est un beau titre…
C’est très beau, Clou, Les Gauloises bleues...
Au plaisir, cher enfant !
Yves-Noël
Labels: correspondance
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